Bourguiba ne voulait pas que les officiers tunisiens aillent se faire former dans les pays du Moyen-Orient. Il disait: «c’est là-bas que l’on forme les comploteurs». Les temps ont changé, mais les mœurs sont restées et l’on se retrouve, des décennies après, dans la vision de Bourguiba, les comploteurs sont toujours là et ont été à bonne école, celle du Moyen-Orient ou du Golfe. En témoignent les événements récents de Jebel Chaambi.
Le colonel Boubaker Belkraiem, ancien sous-chef d’Etat-major de l’armée de terre, auteur du premier ouvrage sur l’histoire de l’Armée nationale, estime, pour sa part, que ce n’est pas en marginalisant l’armée que l’on peut la neutraliser mais plutôt en en faisant une armée républicaine et en l’associant aux grandes décisions stratégiques du pays pour qu’elle puisse réagir à temps et au moindre danger sur la sécurité nationale.
Quel meilleur prétexte que le 57ème anniversaire de l’Armée nationale pour parler et de l’ouvrage et du rôle joué par l’armée tunisienne depuis l’indépendance, que ce soit dans l’édification du pays ou dans la préservation de sa stabilité et de sa sécurité.
Entretien
WMC : Colonel Boubaker Benkraiem, pourquoi un ouvrage sur l’armée tunisienne?
Colonel Boubaker Benkraiem: C’est un devoir de mémoire. J’ai essayé de couvrir dans mon ouvrage une période de 50 ans, depuis la création de l’Armée nationale. Je me suis engagé dans l’armée très jeune, en 1956. A un certain moment, je l’ai quittée et j’y suis revenu en tant que civil. Il n’y a que l’écrit qui reste et je voulais que notre peuple et principalement les jeunes découvrent leur armée, une armée partie de rien, née à l’orée de l’indépendance et dont nous pouvons et devons tous être fiers.
Il est évident que l’armée représente l’un des symboles les plus importants de la souveraineté d’un pays et c’est valable pour toutes les armées de par le monde. Pourquoi l’armée tunisienne a-t-elle autant de mérite d’après vous?
Il faudrait savoir que l’armée tunisienne est parmi les rares armées au monde à s’être auto-formée, créée et organisée par elle-même. C’est très exceptionnel, parce que généralement un pays nouvellement indépendant recourt à des experts venus d’ailleurs pour l’aider à former ses troupes et mettre en place l’organisation de son armée. La Tunisie a choisi de ne pas le faire. Vous savez pourquoi? Parce que nous avions un voisin qui était en pleine lutte de libération nationale. Il y avait d’un côté le Front de Libération nationale de l’Algérie (FLN) et de l’autre côté des officiers français qui ne devaient pas résider chez nous au risque de dénoncer notre soutien à la lutte algérienne pour l’indépendance ou espionner les combattants algériens.
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