La banque mondiale va présenter, au courant du mois de juin, à la demande du gouvernement, une étude sur “la restructuration des banques publiques dans le monde: échecs et succès”, ce qui va permettre de s’en inspirer pour lancer la réforme du secteur bancaire tunisien.
La question de la restructuration des banques publiques se pose aujourd’hui, avec acuité, d’autant plus que l’une des principales motivations de l’abaissement de la note souveraine du pays, de Ba1 à Ba2 (le 29 Mai 2013) par ” Moody’s”, a été “la fragilité du secteur bancaire tunisien, en particulier les grandes banques d’Etat, qui ont des problèmes sévères de qualité des actifs et sont largement sous-capitalisées”. M. Laurent Gonnet, spécialiste en chef du secteur financier à la Banque Mondiale, à Tunis, a livré à la TAP, une analyse du secteur bancaire tunisien.
“Les banques publiques représentent aujourd’hui, 36% du total des établissements bancaires en Tunisie, mais restent moins efficaces que les établissements privés. Si les conditions des prêts et les taux (encadrés) sont proches entre les banques publiques et privées, la différence se situe au niveau de la qualité des services, laquelle constitue une faiblesse structurelle des banques d’Etat et cette tendance ne sera pas inversée de sitôt”, a-t-il souligné.
S’agissant du volet financier, le spécialiste a avancé que “le taux des créances douteuses des banques tunisiennes est trés élevé, atteignant 13,5%, soit 17% de créances classées pour les banques publiques et 10% pour celles privées”. “La tunisie fait partie du groupe de pays tels que l’Algérie, la Libye et la Syrie, ou les banques publiques sont majoritaires, ce qui signifie, d’après lui, ” plus de créances douteuses, à l’origine de la fragilisation du système bancaire”.
“Les banques d’Etat en Tunisie sont moins outillées que celles privées, pour la gestion des risques, alors que leur mission est de prendre plus de risques pour soutenir certains secteurs. Le taux de provisionnement des banques tunisiennes est globalement bas, de l’ordre de 57%, soit 53% pour les banques publiques et 62% pour celles privées, alors que la moyenne internationale en matière de taux de provisionnement, se situe de 70 à 75%”.
De même, la Tunisie se compare défavorablement, d’après M.Gonnet, à des pays similaires, pour ce qui est du taux de capitalisation (ratio de solvabilité) des banques, “il est de 12%, alors que ce taux devrait être relevé à 14 et 15%. En plus, Il n’y a pas de grandes différences, à ce niveau, entre les secteurs public et privé.” Autre facteur négatif, le taux de liquidité, le spécialiste de la BM a parlé de “liquidité tendue”, arguant que les citoyens “ont retiré beaucoup d’argent et les réserves en devises ont baissé à 95 jours d’importation”.
“Pour que la liquidité d’améliore, l’Etat doit relancer l’économie de manière significative, en investissant davantage alors que la banque centrale de Tunisie doit se retirer petit à petit, de la sphère monétaire, du marché de la liquidité”, a t- il préconisé. Pour ce qui est du lancement de la restructuration des banques d’Etat, l’expert de la BM a considéré qu’il fallait “attendre les résultats de l’audit des trois banques publiques (STB-BNA- BH), pour avoir une vision globale de la situation et préparer les réformes à faire, surtout que le processus de restructuration peut durer près de trois ans”.
Il y a d’après lui, “une grande opacité autour du secteur bancaire, étant donné que depuis 2006, il n’y a pas eu d’enquête de la BCT sur les banques de la place, en raison d’une réduction des moyens des directions de la banque centrale, ayant induit une réduction du nombre des inspecteurs. De ce fait, il y a très peu de visibilité quant à la situation du secteur bancaire. L’audit va permettre de connaitre la valeur réelle des banques d’Etat”.