Le nouvel arsenal législatif encadrant la liberté d’expression et de presse est en bonne voie de matérialisation… sur le papier. Plusieurs articles de la future Constitution seront consacrés à ce volet, du moins au point où en est son troisième draft.
Deux décrets-lois de 2011 en traitent mais restent encore en instance d’activation. Il s’agit du décret-loi 115 relatif à la liberté de presse, d’impression et d’édition et le décret-loi 116 portant sur la liberté de communication dans le secteur de l’audiovisuel et prévoyant notamment la mise en place d’une « Haute instance indépendante de la communication audiovisuelle » (HAICA).
S’y ajoute un autre texte obéissant à la même logique d’ensemble, en l’occurrence le décret-loi 41 relatif à l’accès à la documentation administrative des organismes publics. Conviés par le Centre africain de perfectionnement des journalistes et communicateurs (CAPJC) pour animer, les 15 et 16 mai, une session de sensibilisation et de formation, le professeur de droit public Ridha Jenayah et le juriste Kheireddine Ben Soltane, jettent sur ces textes le regard de l’expert. Pour eux, la mention faite, dans le projet de Constitution, de la liberté de presse et du droit d’accès aux données constitue en soi « un grand acquis compte tenu du fait que la Constitution occupe le sommet de la hiérarchie des textes de loi ».
L’article 40 du troisième draft de la Constitution dispose que « la liberté d’opinion, de pensée, d’expression, de presse et d’édition est garantie » sous réserve de la limitation qui pourrait en être faite par des lois « protégeant les droits, la réputation, la sécurité et la santé d’autrui » mais spécifie, par contre, qu’ « aucun contrôle a priori ne peut être exercé sur ces libertés ». L’article 34 du même draft garantit « le droit d’accès aux données tant qu’il n’est pas porté atteinte à la sécurité nationale, à l’intérêt public ou aux données personnelles des tiers ».
Les deux experts redoutent les problèmes que pourraient poser de tels articles au niveau de l’application. Il en va ainsi de la notion « trop vague » d’atteinte à la sécurité nationale, à l’intérêt public ou aux données personnelles des tiers parce que pouvant donner lieu, selon eux, à plus d’une interprétation et donc laisser au juge une trop grande marge d’appréciation au moment de l’application du texte.
Ils n’ont pas, non plus, fait mystère de certaines lacunes qui émaillent selon eux le décret-loi 41 qui, tout en faisant obligation aux services publics d’assurer aux demandeurs la disponibilité des pièces administratives et autres données et de faire en sorte que la disponibilité du renseignement soit la règle et le contraire l’exception, ne spécifie pas explicitement que les trois pouvoirs (exécutif, législatif et judiciaire) doivent fournir de tels renseignements et documents.
D’où, relèvent-ils, le risque de tentation de l’Assemblée constituante et de l’institution judiciaire, entre autres, de garder confidentielle n’importe quelle donnée, sans pour autant violer la loi. D’autres lacunes et imperfections ont retenu l’attention des juristes et des spécialistes des archives et de la documentation, dont certaines concernent le dépôt légal. Pour eux, ce volet doit faire l’objet d’un texte de loi à part au lieu de figurer dans le décret loi 115. Ils trouvent également que la suppression de l’obligation légale, dans le Code de la presse, fut « une grande erreur », compte tenu de la valeur davantage patrimoniale que juridique du dépôt légal, synonyme de « protection de la mémoire ».
Les garanties liées au droit d’accès aux données dans la future Constitution et dans les décrets-lois 41 et 115, de même que les problèmes découlant de la non-application du décret-loi 115, l’arsenal législatif régissant l’audiovisuel et la mise en place de la HAICA, sans compter l’irruption, dans le paysage médiatique, de nombre de télévisions et radios privées sont autant de questions abordées par les juristes et les professionnels du secteur au cours de cette session de sensibilisation et de formation Cette dernière a été focalisée principalement sur les aspects juridiques de l’organisation du secteur, dans le contexte des développements et mutations rapides que connaît le paysage médiatique national.