Par Pierre Puchot
« We are the revolution » ; « Si tu veux une bonne vie arrache-toi ». Selon l’entrée de la ville qu’il emprunte, le visiteur a le choix entre deux graffitis qui disent bien l’espoir d’une vie meilleure qui s’efface peu à peu… À Kasserine, l’année 2012 a achevé de convaincre les 80 000 habitants que la seule révolution tunisienne ne leur apporterait pas cette dignité et ce développement économique pour lesquels ils ont manifesté, fin décembre et début janvier 2011, et donné 21 martyrs au pays.
Tout au long de l’année 2011, nous nous étions rendus à plusieurs reprises dans cette ville distante de 400 kilomètres de la capitale Tunis, au pied du djebel Chambi, point culminant de la Tunisie (1 554 mètres), là où le général Rommel fut défait par les troupes britanniques en 1943. Une région marginalisée par le pouvoir politique depuis l’indépendance du pays. Nous y avions rencontré Maher Bouazzi et Ridha Abbassi, avocat et instituteur aux avant-postes des manifestations de décembre 2010, nommés maire et vice-maire à l’été 2011 à la demande de la population. Début décembre 2011, devant un café au lait au bar-restaurant le « Petit prince », Ridha Abbassi confiait son désarroi : « Pendant un an, nous avons beaucoup parlé, mais sur le terrain je n’ai rien vu, expliquait le maire adjoint. Pour vouloir avancer, il faut faire des recherches, établir des diagnostics, planifier. Rien de tout cela n’a été fait pour Kasserine. » Fin 2011, alors que le thermomètre tutoyait le zéro, Kasserine semblait une ville désolée où la culture et la convivialité n’ont pas leur place, où l’essor économique est toujours entravé par le manque d’infrastructures, à commencer par le train, qui a cessé de desservir la ville depuis le début des années 1980.
Fin mars 2013, nous retrouvons Ridha Abbassi et Maher Bouazzi, fidèles à leurs postes. Trois gouverneurs (l’équivalent de nos préfets de région) se sont succédé. Eux sont toujours là, toujours bénévoles, comme le reste de la municipalité. Depuis près de deux ans, Ridha Abbassi consacre ses matinées à ses élèves, ses après-midi aux affaires de la ville, Maher Bouazzi ne dispose que des soirées pour régler celles de son cabinet. Qu’ont-ils fait de Kasserine ? Dans quel état se trouvent la ville et ses habitants, dont 28 % étaient toujours au chômage en 2012, selon l’Institut national des statistiques, contre 18 % pour la moyenne nationale ?
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