Lella Manoubia : Portrait d’une révolutionnaire

saida_manoubiyaManoubia Bent Omrane Ben Slimène Al Mannoubi, première sainte d’Ifriqya, la femme révolutionnaire qui, au 12è siècle, remet en cause un certain ordre établi et se révolte contre l’autorité du père en refusant des épousailles forcées et en se consacrant à la science, à la méditation et à l’action en faveur des droits de la femme.

Peu d’ouvrages et de documents parlent d’elle, à part le récit écrit par un Imam prédicateur de la mosquée de la Manouba où il énumère ses prodiges et ses vertus, explique l’universitaire, spécialisée en histoire et civilisations humaines Néji Jalloul lors d’une rencontre jeudi à Tunis. Saida Manoubia est née en 1180 après la chute de Tolède en Andalousie.

Dans les écoles coraniques qu’elle fréquentait depuis son bas âge, elle montre des élans soufis. Elle s’isole des gens et se réfugie dans les vastes champs pour méditer. Selon le conférencier, c’est elle qui a fait la particularité de l‘islam tunisien et esquissé le portrait d’un musulman intellectuel et éclairé. La sainte a proposé un modèle soufi dynamique.

Un soufisme de terrain qui est resté collé à la réalité de la société. Lella Manoubia se promenait, d’ailleurs, tête découverte et se rendait dans les tavernes pour prêcher la bonne parole auprès de la gente masculine. Proche de la Tariqa Chadiliyya, une des confréries soufies qui s’est fervemment opposée au wahabisme arrivé du Machrek, elle s’est vue attribuée le titre de « pôle », haute dignité dans la hiérarchie soufie.

Lella Manoubia a enseigné les sciences coraniques et le soufisme dans le cadre des cercles d’Abou Al Hassan Chadhli. Première femme à accéder aux conseils des notables de la ville de Tunis, Lella Manoubia a réussi à réconcilier villes et monde rural et à rapprocher entre homme et femme dans une société tatillonne en matière de mixité. Abou Al Hassan Chadhli, fondateur de la Chadiliyya dont elle est le fidèle disciple, lui attribua le titre de « Califat spirituel». Elle décède en 1267 et fut inhumée au cimetière Ibn Charaf à Gorjani. Son mausolée comme plusieurs autres lieux soufis à travers la république, a été pris d’assaut et incendié en octobre 2012 par des extrémistes.

DI/TAP