J’ai reçu la lettre que vous avez bien voulu m’adresser le 8 février, dans le cadre de «la consultation sur le remaniement du gouvernement et l’intégration de compétences nationales».
J’ai pris connaissance de son contenu avec beaucoup d’intérêt. Ce qui a retenu particulièrement mon attention, c’est votre perception du paysage politique et la préoccupation que suscite en vous la situation critique qui prévaut actuellement dans le pays dans tous les domaines: économique, social, politique et sécuritaire. Cette situation impose l’urgence de la conjugaison des efforts de tous, aussi bien le gouvernement que la majorité des citoyens, et notamment les élites influentes conscientes de la nécessité de sortir de la crise aiguë, et ce, dans les plus brefs délais.Je voudrais insister à ce propos sur la concordance entre votre perception de la situation et la mienne, dans l’ensemble et sur les questions essentielles.
Je précise à ce sujet qu’il convient :
1) de s’attacher à la légitimité révolutionnaire et à la légitimité constitutionnelle représentée par l’Assemblée nationale constituante élue et issue des urnes;
2) de s’engager d’ores et déjà dans le processus d’élargissement de la participation politique le plus loin possible dans l’étape transitoire en cours, afin d’en garantir la poursuite dans les meilleures conditions, et parvenir dans les tout prochains mois à l’installation de nouvelles institutions démocratiques conformément aux aspirations du peuple ayant réalisé la Révolution;
3) Pour ma part, j’apprécie hautement votre initiative de remanier le gouvernement actuel et d’y intégrer des personnalités indépendantes réputées pour leur compétence en divers domaines avec l’engagement, tout comme le vôtre, de ne pas se présenter aux prochaines élections législatives et présidentielles. Toutefois, j’estime «dans le même souci» qu’il convient de prendre les mesures politiques adéquates et les modalités d’application pratiques, dans le cadre de la loi actuelle sur l’organisation des pouvoirs publics, et ce, en vue d’en garantir la stabilité nécessaire, l’indépendance totale du pouvoir judiciaire et aussi pour éviter les conflits qui surgissent parfois publiquement au sommet du pouvoir, qui troublent la cohésion indispensable à ce niveau et portent atteinte au prestige de l’Etat à l’intérieur comme à l’extérieur du pays, entravant en définitive la réussite de la révolution et compromettant le destin du pays à court et moyen terme;
4) Il incombe au gouvernement comme à la Banque centrale, chacun en ce qui le concerne, de donner les directives nécessaires aux services administratifs et sécuritaires et aux organismes financiers pour renforcer le contrôle des flux financiers vers les partis politiques et les organes d’information, dans le cadre de l’application stricte des lois en vigueur dans ce domaine.
Pour terminer, j’espère que mes observations et mes conseils en réponse à votre appel susciteront un écho de votre part.
Avec mes remerciements, et l’expression de mon estime et de ma haute considération.
Par Ahmed MESTIRI
(Traduit de l’arabe)
Publié sur le journal LA PRESSE du 18 février 2013