Sur l’Avenue Bourguiba, chacun est venu commémorer à sa manière le 14 janvier. Chacun y va de son bilan. Entre cris de gueule et approche optimiste.
Nous sommes le lundi 14 janvier 2013 et la petite pluie somme toute fine qui tombe vers 11 heures 50 sur l’Avenue Habib Bourguiba à Tunis n’a pas découragé une marrée humaine qui est là depuis le matin. Nombre de mouvements politiques manifestent bruyamment. La police, qui veille au grain, a prévu de s’interposer entre les uns et les autres. Interrogé par un policier sur les raisons de ce déploiement, l’un d’entre eux, la vingtaine, se limite à esquisser un large sourire. Les forces de l’ordre se font discrètes. Elles se sont déployées en face de la place du 14 janvier 2011 bien à l’abri des regards.
Devant la pendule de la Place du 14 janvier 2011, revêtue pour l’occasion et des quatre côtés d’un grand drapeau tunisien, Souad manifeste. Elle esquisse un sourire sous un bandeau rouge qui tient sa chevelure blonde. Elle brandit un écriteau: «Les ligues de la défense de la Révolution, dégage!». A quelques mètres d’elle, une femme, la quarantaine, vêtue d’un hijab noir, brandit une autre pancarte qui loue les faits et gestes du Prophète Mohamed (SAWS).
Des agents de police ne laissent aucune voiture pénétrer sur l’Avenue Habib Bourguiba. L’Avenue Mohamed V est non plus interdite aux véhicules. Mansour, qui vient de l’Avenue Moncef Bey, où il est allé acheter un récepteur satellitaire de la marque Dreambox, essaye de passer avec sa Renault 5. Un agent de police l’empêche d’avancer. Il négocie.
«Les Tok Tok qui vont encombrer la ville»
«Cela va me faire un grand détour, grogne-t-il. J’habite à la rue de Marseille. Ils viennent fêter quoi ces gens, le kilo de tomate à 1 dinar 200 millimes ou le lait impossible à trouver ou encore les Tok Tok qui vont encombre la ville», lance-t-il en mettant un sacré coup d’accélérateur en direction de la gare du TGM (Tunis Goulette Marsa).
Sur son chemin, et sur l’esplanade qui fait face aux fleuristes installés de l’autre côté de l’Avenue Bourguiba, une grande tente blanche est venue rappeler le martyr des jeunes tunisiens qui ont été les premiers à déclencher les manifestations de la Révolution du 14 janvier 2011. «Il le faut bien», commente Ezzeddine, originaire de la banlieue sud de Tunis, jean et anorak noir. «Ils n’ont rien récolté du reste», assure-t-il, en saluant un autre jeune homme qui porte une pancarte représentant la photographie d’un martyr de Kasserine.
Plus bas sur l’Avenue Bourguiba, et quelques encablures de la grande église qui fait face à l’Ambassade de France à Tunis, Majid, Riadh et Mohamed ont pris place dans un café des environs. «De quoi pouvons-nous parler aujourd’hui sinon du deuxième anniversaire du 14 janvier 2011?», s’exclame Mohamed, l’aîné du groupe, quarante-cinq, marié, père de deux enfants, fonctionnaire au ministère de l’Agriculture.
Et chacun y va de son bilan. Pour Majid, la Révolution n’a pas amélioré le quotidien des Tunisiens. La vie est plus chère et c’est le chacun pour soi. «Personne n’est là pour t’aider et les gouvernants, y compris les gens de Béji Caïd Essebsi, font mine de comprendre. Mais, la réalité, c’est ça: Les chiens aboient et la caravane passe!»
Riadh n’est pas de cet avis. Il estime que les gens sont pressés et égoïstes. «Et ça ne peut pas ne pas bien se passer. Tôt ou tard, le peuple imposera sa loi», affirme-t-il. «Ennahdha, Nidaa Tounes ou encore Al Joumhoury devront tôt ou tard prendre la bonne voie. Sinon, on leur fera une autre Révolution», sourit-il, en sirotant son Express allongé.
Il est 14 heures et sur l’Avenue Habib Bourguiba, la foule des grands jours est toujours là. Aussi décidée à défendre sa Révolution.
Par Mohamed Farouk
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Bons baisers d’Ennahdha pour le 14 janvier !