Disparition de Tarak Mekki : Le père de «Dégage» tire sa révérence

tunisie_directinfo_Deces-tarak-mekki-31-decembre-2012Tarak Mekki, président-fondateur du Mouvement de la IIe République, n’est plus. Décédé, hier à l’aube, à l’âge de 54 ans chez une amie à Hammamet suite à un malaise cardiaque. Rappelons qu’il avait subi, en août 2012, un pontage vasculaire au niveau des membres inférieurs.

L’inventeur du célèbre slogan phare de la révolution tunisienne «Ben Ali dégage» était l’un des premiers opposants  qui avait appelé au départ du dictateur depuis sa résidence au Canada où il était en exil volontaire depuis 2001.

Homme d’affaires et politique, il nargua l’ancien régime en dénonçant la dictature de Ben Ali et la corruption du clan familial dans une vidéo postée sur Internet le 12 juin 2007 avec paradoxalement, nous avait-il déclaré dans un entretien aux allures de testament accordé à La Presse, le 2 novembre 2012, la mise en exergue de cette formule : «J’ai peur qu’un jour vous regretteriez Ben Ali».

Mais il avait ajouté : «Ben Ali devait partir vu son legs catastrophique : un pays exangue et meurtri par la pauvreté et la misère, le chômage, le régionalisme, la répression et la dictature et une Tunisie profonde au degré zéro du développement».
Il avait également demandé la destitution immédiate de Ben Ali et sa comparution devant une juridiction internationale pour corruption et torture, tout en appelant à la fondation d’une deuxième République.

Il avait aussi créé et posté sur Internet, depuis le Canada, la série sarcastique «Les Mille et une Nuits» où il tournait en dérision Ben Ali, son épouse et son clan, mais aussi la justice et la corruption qui rongeaient le régime. Mieux, anticipateur et intuitif, certaines de ses vidéos qui circulent actuellement sur les réseaux sociaux profilaient ce qui se passe aujourd’hui sur la scène politique.

Il avait résisté à toutes les offres pécuniaires et autres appâts juteux proposés par Ben Ali, via des «envoyés spéciaux à Montréal» afin de le retourner et de le récupérer. Tentative vaine.

Ce qui l’avait poussé à entrer en politique, nous avait-t-il confié dans sa dernière longue intérview à un média tunisien, c’est «son ras-le-bol des opposants de Ben Ali, qu’il estime «être de mauvais communicateurs».

Il créa donc un site nommé «La IIe République» et y déposa un programme en 24 thèmes économiques, politiques, sociaux, culturels, etc.

Après le déclenchement de la révolution, le 17 décembre 2010, il s’adressa aux internautes tunisiens, les exhortant à «chasser Ben Ali».

Ce qui fut fait le 14 janvier 2011, date après laquelle il rentra au bercail.

Electron libre, il rejeta tout compromis avec l’opposition tunisienne sur laquelle, tout comme sur Ben Ali, il décocha ses flèches acérées. Il refusa de se présenter aux élections du 23 octobre 2011.

Même s’il n’était pas très présent sur la scène politique après le 14 janvier, déplorant «l’embargo médiatique» dont il était l’objet,  il fonda au printemps 2012 son parti : La IIe République qui compte aujourd’hui plus de 5.000 adhérents, et continua, avec la même verve, franchise et liberté de  ton, à critiquer et à fustiger aussi bien le gouvernement de la Troïka et l’ANC que l’opposition. Tout le monde y passait: Ennahdha,  le CPR, Ettakatol, Nida Tounès, El Joumhoury, le Parti communiste ouvrier tunisien et autres…

Intuitif et désintéressé, il faisait preuve quelque part de sagesse, déplorant la bipolarisation de la vie politique entre Ennahdha et Nida Tounès et reprochant aux acteurs de la scène politique de «n’avoir rien compris à l’évolution de la société tunisienne et à la désunion qui prévaut».

C’est qu’il estimait «qu’après le 14 janvier, une  réconciliation entre toutes les parties politiques aurait dû prévaloir. Or, les forces politiques ont emprunté le chemin de la division et de la subdivision afin de dominer le peuple».

Il attendait «le timing adéquat» pour faire son vrai démarrage politique : «J’attends que les jeunes redescendent sur terre et se réveillent» car à ses yeux, «ce sont les jeunes qui représentent l’avenir et c’est grâce à eux que la Tunisie vaincra».D’autant qu’il estimait que «la Tunisie est à la croisée des chemins, car on va soit vers une société réactionnaire, soit avant-gardiste et moderne. Mon souhait est de voir naître une Tunisie du 21e siècle réconciliée avec elle-même».

C’était son vœu pour la Tunisie post-révolutionnaire. Et c’est aussi le nôtre et certainement celui de  tous les Tunisiens. Qu’il soit exaucé et que Dieu bénisse l’âme du défunt.

Lu sur la Presse de Tunisie

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