Tarak Mekki, président du Mouvement pour la Deuxième République, est décédé dans la nuit de dimanche à lundi, à Hammamet, suite à «une crise cardiaque», selon des sources sécuritaires et médiatiques.
Avec le décès de cette figure de proue de l’opposition tunisienne, la Tunisie a perdu un grand militant connu pour son franc parler et pour ses analyses pertinentes de la situation politique en Tunisie, au temps de Ben Ali et après la révolution. Exilé malgré lui en 2004 au Canada en raison du harcèlement des prédateurs Trabelsi, Tarak Mekki s’est fait connaître à travers ses vidéos dans lesquelles il critiquait la dictature de Ben Ali et de son entourage et y dénonçait la corruption du régime et les dérives du système judiciaire.
Il était l'un des rares opposants à avoir demandé «la destitution immédiate de Ben Ali, la fin de son régime et sa traduction devant une juridiction internationale pour corruption et actes de torture». De retour en Tunisie après la révolution, Tarek Mekki a fondé un parti, le Mouvement pour la deuxième République et s’est forgé une image de frondeur et de farouche opposant à la Troïka et aux partis d’opposition, dont Nidaa Tounès de Béji Caïd Essebsi.
Il a eu le mérite d’anticiper pour avoir prédit les manoeuvres et tergiversations des nahdhaouis et leur détermination à ne pas lâcher le pouvoir. Dans une interview accordée, le 10 août 2012, à Radio Express Fm, il avait déclaré «qu’à la lumière des “agissements“ du parti Ennahdha au pouvoir (nomination massive de nahdhaouis à la tête de tous les postes administratifs), il ne croit pas à une quelconque défaite des troupes de Rached Ghannouchi aux prochaines élections. «Tout indique, a-t-il-dit, que les prochaines élections seront falsifiées et ne seront pas aussi transparentes que celles du 23 octobre 2011». Il avait justifié son point de vue par le fait qu’il n’a jamais vu, jusque-là, un mouvement «islamiste» prendre le pouvoir et le céder, ensuite, par respect de la règle de l’alternance.
Concernant l’Assemblée nationale constituante, il en avait déploré «le mauvais rendement» au point de la qualifier d’«institution destructurante».
Quant au gouvernement Jebali, il a stigmatisé sa tendance fâcheuse à continuer à créer des emplois précaires à travers le mécanisme des chantiers nationaux et à multiplier les obstacles administratifs devant les investisseurs étrangers qui désirent investir dans le pays, mettant en garde contre les éventuelles conséquences de l’ébullition que connaissent actuellement les régions de l’intérieur du pays.
Conséquence: il avait prédit une seconde révolution pour peu que la situation socio-économique continue à se détériorer, que le chômage ne cesse de s’accentuer, que la cherté de la vie persiste et que la Troïka poursuive sa répression de plus en plus sauvage des revendications.
L’opposition n’a pas échappé à sa vindicte. Il en veut particulièrement à Nidaa Tounès de Béji Caïd Essebsi et des dérapages judiciaires qui avaient lieu au temps où il était Premier ministre (fuite de Saïda Agrebi, acquittement de la sœur de Ben Ali…).
Globalement, il relève qu’il ne voit pas, jusque-là, dans les partis d’opposition, une alternative démocratique, voire un véritable front moderniste laïc pouvant faire face à Ennahdha. Au regard de ce que vit aujourd’hui le Tunisien, l’Histoire lui donne raison.
Que Dieu, le Tout Puissant lui accorde son infinie miséricorde et l’accueille dans son éternel paradis.
Abou Sarra