Ce que Bouazizi peut nous apprendre sur le redressement de l’économie

Habib M. Sayah – Alors que nous commémorions l’immolation de Mohamed Bouazizi en ce 17 décembre 2012, le péruvien Hernando De Soto était l’invité du journal Tunisia Live pour discuter de l’économie. Toutes les enquêtes l’indiquent : ni la Constitution ni les questions religieuses ne préoccupent la majorité des Tunisiens dont l’essentiel des revendications, des inquiétudes et des souffrances ont trait à l’économie. Sur ce plan, les objectifs de la révolution ont-ils été atteints ? Bouazizi est-il, comme on le dit, mort pour rien ?

 Qui était Mohamed Bouazizi, cet entrepreneur ?

Hernando De Soto, qui, en enquêtant sur les causes économiques de la révolution tunisienne, a rencontré la famille et les amis de Bouazizi, est l’un des seuls à avoir vu qui était l’homme qui a déclenché le « printemps arabe ».

Mohamed Bouazizi n’était ni un diplômé-chômeur ni un Che Guevara arabe. N’en déplaise à certains, Bouazizi était un entrepreneur, et même un entrepreneur talentueux. Depuis l’âge de 12 ans, il a travaillé sans relâche pour se faire une petite place dans l’économie locale. N’ayant ni les « pistons » ni les moyens pour obtenir l’autorisation nécessaire pour établir un stand sur le marché de gros, il venait y approvisionner en fruits la charrette qu’il traînait tous les jours. Vendre sa marchandise à la sauvette dans les rues de Sidi Bouzid lui permettait de gagner une centaine de dinars chaque semaine, pour nourrir sa famille dont il était quasiment l’unique soutien. A l’occasion, pour « mettre du beurre dans les épinards », il se chargeait de la comptabilité de ses amis vendeurs au marché de gros.

Ambitieux et talentueux, son rêve d’entrepreneur – acheter une camionnette Isuzu pour se fournir directement chez les agriculteurs et obtenir une licence pour un stand au marché de gros – est parti en fumée il y a aujourd’hui deux ans, lorsque les agents de la police municipale lui firent subir une ultime humiliation. Pour une énième fois il avait enduré le racket coutumier des policiers tunisiens, qui n’hésitaient jamais à se servir sans la moindre honte dans sa marchandise ou celle des collègues, en plus de réclamer des pots-de-vin. Mais cette fois-ci, ils étaient allés jusqu’à lui confisquer toute sa marchandise ainsi que sa balance électronique (pour une valeur de 350 dinars) au prétexte qu’il opérait dans l’illégalité. Désespéré par l’injustice, et par la destruction arbitraire de son entreprise – son gagne-pain -, il s’est immolé sur la place publique comme l’avait fait quelques mois plus tôt Abdessalem Trimeche, vendeur ambulant de sandwichs à Monastir, pour les mêmes motifs.

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