Tunisie – Politique – Société : “Ennahdha perdra les prochaines élections”

“Le discours de l’Occident sur la sécurité est comme un disque rayé, et nous devons le dépasser. La brutalité et la cruauté des dirigeants arabes sont un handicap moral énorme pour l’Occident”, a déclaré Larbi Sadiki, enseignant chercheur à l’Université d’Exeter en Grande Bretagne et néanmoins sympathisant des courants islamistes.

Il n’est d’ailleurs pas le seul à le penser. C’est peut-être ce qui explique le soutien apporté par la GB et les USA à un “islam modéré“ au Maghreb prenant la Tunisie comme exemple pour une transition paisible vers une démocratie laboratoire.

Michael Willis, maître de conférences à l’université d’Oxford, où il enseigne la politique nord-africaine, estime que l’Occident et principalement la France ont fait preuve d’une grande indulgence envers Ben Ali. La prise du pouvoir par des régimes islamistes dans les pays du printemps arabes permettrait de normaliser leurs rapports avec leurs pays et sociétés en les transformant d’opposants en gouvernants. Entretien

Sur le printemps arabe et l’exemple de la transition en Tunisie, Michael Willis estime que “Globalement malgré quelques problèmes, la Tunisie avance positivement dans sa transition démocratique. Aujourd’hui le pays traverse la deuxième phase de sa transition et se trouve en face de nouveaux défis. Celui de consacrer le processus démocratique par la rédaction d’une Constitution qui réponde aux vœux de tous les Tunisiens et intronise les principes universels des Droits de l’Homme ainsi que celui de préparer les prochaines élections. Cette phase doit être gérée avec sagesse et maturité politique dans la sérénité. Je suis optimiste, la Tunisie découvre la voie vers la démocratie”.

Sur Rached Ghannouchi: “J’ai pu rencontrer Rached Ghannouchi, nombre de fois lorsqu’il était en exil à Londres. C’est un homme très intéressant, un bon penseur. Il figure parmi les dirigeants de courants islamistes qui ont pris le temps de réfléchir les choses. Il a une réflexion très sophistiquée et assez bien raisonnée. Nombre d’islamistes estiment qu’il est très modéré et trop ouvert sur l’Occident. Maintenant que son parti Ennahdha est au pouvoir, le défi de Ghannouchi se situe au niveau de la pratique. Il ne s’agit plus de théorie. Nous allons voir s’il va appliquer ses idées ouvertes sur le terrain et ne pas se limiter au discours”.

Sur comment il voit l’évolution du paysage politique en Tunisie, Michael Willis estime que “le grand défi est politique, il faut que la Constitution soit le produit d’un consensus entre les différents partis politiques. A voir l’état des sondages, Ennahdha perdra les prochaines élections. Que se passera-t-il dans ce cas? Il faut espérer que le parti islamiste n’essaye pas de reprendre les choses en main par la force et que les partis vainqueurs n’essayent pas de sanctionner Ennahdha en l’écartant du champ politique. Il est grand temps de dépassionner les rapports entre des partis politiques idéologiquement différents. C’est le plus grand défi des prochaines élections. Mais il y a aussi l’économie et ses difficultés, et j’estime que cela sera un facteur déterminant”.

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