Chaque que fois que je rentre seul dans mon village, Aïn Draham, j’ai l’habitude de prendre en stop des gens en uniforme. L’objectif était d’avoir de la compagnie, d’échanger des points de vues, de s’enquérir par curiosité professionnelle de l’évolution des communautés au sein desquelles les auto-stoppeurs évoluaient et, surtout, de dissuader tout contrôle des gendarmes. Ma voiture étant devenue par l’effet de l’uniforme une voiture immunisée. Malheureusement, ce n’est pas toujours le cas.
Reportage
Le week-end dernier, j’ai eu à prendre en stop, tout le long du parcours, successivement, un jeune policier et deux jeunes gardiens de prison; le premier en rase de campagne sur l’Autoroute A3 (Tunis-Oued Zarga) et les autres à l’entrée de Béja en direction de Bou Salem-Jendouba.
En discutant avec ces trois jeunes, je me suis rendu compte que je ne partageais rien avec eux tant ils m’avaient mis mal à l’aise au point d’avoir froid dans le dos. Zoom sur une rencontre qui dit long sur le nouveau profil des gens en uniforme.

J’ai essayé de lui remonter le moral en lui disant que moi-même, je suis issu d’un milieu fort modeste, que j’ai connu ce genre de sentiment et que je n’ai pu améliorer ma situation matérielle, créer un foyer et éduquer mes trois enfants qu’au prix de l’acharnement au travail et de la foi dans le savoir en tant qu’ascenseur social, et ce en dépit du fait que les femmes étaient, lorsque j’avais son âge, rares et élitistes. Alors qu’aujourd’hui, avec la poussée démographique, c’est l’embarras du choix.
Il m’a semblé qu’il ne m’a pas entendu et a continué à traiter la femme de tous les qualitatifs. Pour lui, la femme confond l’homme avec une grosse cylindrée, une grande maison, des voyages, des désirs, des désirs, et rien d’autre. «C’est à la limite, a-t-il martelé, un crocodile que rien ne satisfait».
La discussion s’est arrêtée là puisque nos destinations se coupaient à l’entrée de Béja, lui se rendant à Tabarka.
A peine je l’ai quitté, j’ai été interpellé par deux autres jeunes autostoppeurs en uniforme. Je me suis rendu compte après qu’ils étaient des gardiens de la prison de la «célèbre prison de Mornaguia».
Une fois les présentations faites, on a commencé à parler à bâton rompu de questions touchant aux prisons, aux conditions d’incarcération de leurs pensionnaires, à la perte de la dignité en prison, aux verdicts des juges, à la loi et à l’enjeu de la respecter…

A la sortie de Bou Salem, les deux gardiens m’ont demandé gentiment de m’arrêter pour se soulager. En fait, ils étaient descendus pour changer de chemise et faire disparaître leurs insignes officiels. Et quand je leur ai demandé pourquoi ils font ceci, ils m’ont répondu que c’était une précaution pour éviter tout problème et toute agression, les personnes en uniforme étant devenues la cible privilégiée des protestataires de tous genres. Pour eux, Jendouba serait devenu, depuis la révolution, une ville dangereuse.
Depuis, ce fut le silence absolu dans la voiture, jusqu’à Jendouba où nous nous sommes quittés. Après leur descente, je ne me suis pas interdit de pousser un soupir de soulagement et de m’arrêter carrément pour reprendre mes esprits. J’ai eu vraiment peur.

La stratégie sécuritaire arrêtée pour défendre le siège de l’ambassade était nulle et relève soit d’un amateurisme criard, soit d’une complicité des policiers qui avaient accompagné ses hordes sauvages tout le long du parcours (Tunis-Les Berges du Lac) et encouragé, ainsi, leurs attroupements devant la façade de l’ambassade alors que des renforts salafistes arrivaient du Kram (au sud), de La Marsa (Est) et d’Aouina (Nord).
C’est vraiment bizarre. Si notre police, pourtant avertie depuis plusieurs jours de cette manifestation, est incapable de protéger un bâtiment d’à peine quelques mètres carrés, nous sommes en droit de nous poser toutes les questions sur le rendement du ministère de l’Intérieur, et partant, sur notre propre sécurité.
Abou SARRA
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