Précarité, chômage et récession… Ceci conjugué à un laisser-aller manifeste et une détermination farouche de la part de nombre d’employés, profitant de la situation fragile du pays, pour casser «du boss», qu’il soit dans le public ou le privé, ne plaide pas pour le redressement de l’économie tunisienne et n’œuvre pas dans le sens de d’une relance rapide.
Le chômage de centaines de milliers de jeunes tunisiens aurait dû inciter les milliers d’autres à tempérer leurs ardeurs et préserver leurs entreprises, tout en militant pour l’amélioration de leurs conditions de travail et d’exprimer leurs revendications légitimes… Malheureusement, la culture du travail est restée assez approximative dans notre pays. Travailler n’est pas un devoir, mais une obligation indispensable pour la survie.
Après le soulèvement populaire de janvier 2011, le travail est devenu un droit qui justifie tous les dépassements et toutes les aberrations. Et au lieu d’adopter une approche constructive et avantageuse autant pour les employeurs que pour les employés, nous nous trouvons aujourd’hui devant une seule logique «Je travaille à ma manière et à mon rythme, si cela ne vous plaît, je me plains à mon syndicat et je déclenche une grève, car vous autres opérateurs privés, vous êtes tous des profiteurs…».
C’est ainsi qu’une grande entreprise internationale de textiles implantée dans 14 pays, classant les sites selon la productivité et le respect des modèles et des coupes, a dû reléguer la Tunisie de la 4ème à la 10ème place pour le premier critère et de la deuxième à la 8ème pour ce qui est du second.
Ce qui veut dire que le printemps révolutionnaire n’a pas réussi à performer le système productif du pays.
Il y a quelques années, lors d’une rencontre professionnelle intermaghrébine, un grand homme d’affaires algérien se plaignait en ces termes: «Comment voulez-vous développer l’économie dans un pays où la discipline est presque un sacrilège, où les employés ne respectent pas les règlements intérieurs de leurs entreprises et où le PDG ne peut même pas ordonner à un collaborateur d’assurer une mission sans que celui-ci lui réponde “hé vous, ne vous croyez pas supérieur à moi, nous sommes tous à égalité ici“. Je n’arrive même pas à maîtriser mes propres employés, comment dans ce cas leur imposer une discipline de travail et des règles de hiérarchie».
C’est à ce genre de déboires que font face aujourd’hui les patrons tunisiens. «Nous ne pourrons plus continuer à ce rythme au risque de fermer boutique. Le travail est aussi l’expression d’une discipline des comportements, de la puissance productive et du respect de la hiérarchie dans le cadre d’une bonne répartition des tâches. Nous ne voulons pas être des dictateurs, nous voulons être performants, et ce n’est pas en voyant nos responsables séquestrés, insultés et très fréquemment menacés que nous réussirons à le devenir. Trop c’est trop, s’il faut délocaliser, nous irons ailleurs».