Le dossier de la défunte ATCE (Agence tunisienne de communication extérieure) ne fait chaque fois que rebondir, et comme par hasard toujours au moment où le gouvernement s’estime attaqué par les journalistes et les médias! La dernière sortie en date est cette liste extravagante publiée par nos confrères d’Espace Manager recensant toutes les virements effectués par l’agence aux différents médias tunisiens pour le paiement des annonces publicitaires depuis janvier 1994 jusqu’à août 2012 …
A rappeler, pour ceux qui ne le savent pas, que l’ATCE avait pour rôle, d’abord, la gestion de la communication extérieure du pays, et afin de financer ce rôle, on lui a donné à gérer la publicité publique. Cette publicité générait des millions de dinars puisqu’elle englobe les annonces légales du gouvernement (très gros budget déjà), et en plus la publicité commerciale des entreprises publiques et parapubliques -et elles sont légions en Tunisie (donc un autre très gros budget).
A ce titre, celui de la publication des annonces légales et de la publicité commerciale, il n’est pas anormal du tout que nous trouvions «tous» les médias tunisiens sur la liste des bénéficiaires des sous de l’ATCE!
Ce qui, par contre, mérite réflexion et analyses, c’est la part dévolue à certains médias dans des proportions qui font rire! Quel a été le critère selon lequel l’ATCE, et donc le pouvoir de Ben Ali distribuait cet argent? Comment expliquer qu’un quotidien comme Le Renouveau -que personne pratiquement ne lisait, comme du reste l’autre quotidien du parti au pouvoir en arabe, El Horriya-, obtienne des sommes aussi colossales?
La lecture et l’analyse de cette liste nous renseignent, également, sur les «chouchous» du pouvoir, à savoir, Achourouq, Al Hadath, Assarih, L’Observateur, El Moulehedh, ou encore des titres peu connus du public comme El Ahd, par exemple?
Nous savons tous que l’argent de l’ATCE a été en très grande majorité distribué pour des journalistes, des médias et autres écrivains qui ont contribué, chacun de sa manière, à l’effort de propagande du régime de Ben Ali. Le volume alloué à chacun variait selon le degré d’allégeance de la personne ou du média et selon ce que le régime décidait comme nécessité, que ce soit en Tunisie ou à l’étranger.
Ceci étant, le fait de figurer sur la liste publiée n’incrimine pas en soi le média en question puisque certains médias n’y figurent que pour avoir publié des annonces ou des publicités commandées par des entreprises ou des administrations publiques.
De ce fait, ces archives doivent être examinées avec toute la probité requise, et surtout doivent nous permettre de bien analyser l’expérience de l’ATCE afin de savoir comment faire pour l’avenir. Car, tous les pays, y compris des pays de tradition démocratique bien établie, comme les Etats-Unis, la France ou la Suède, entre autres, ont des agences de communication qui veuillent à la propagation de la meilleure image du pays –bien lire “image du pays“ et non du régime- et à faire «vendre» ses charmes touristiques comme ses atouts industriels et ses succès sportifs et scientifiques.
En Israël, par exemple, une centaine de personnes indépendantes, mais symboliquement importantes, comme les scientifiques, les sportifs, les artistes, etc., sont chargées de recevoir et d’orienter les journalistes étrangers voulant connaître le pays … Dans d’autres pays, on livre au visiteur médiatique un mémento où il trouve toutes les adresses de tous les partis et les associations et ceux de l’opposition en premier lieu… C’est le cas de l’Afrique du Sud qui a capitalisé énormément son action de communication sur l’image positive de Nelson Mandela pour faire connaître encore plus les atouts du pays; comme le Brésil l’a fait avec l’image positive du président Lola.
Nous n’allons pas pouvoir nous passer des services de communication pour promouvoir le pays et ses atouts et faire venir plus de touristes et plus d’investisseurs étrangers. Il nous faut trouver les moyens de la faire en alliant l’indépendance requise de l’agence (quitte à faire appel au privé s’il le faut et en toute transparence comme nous le faisons par exemple pour le tourisme) et l’efficacité du message et du lobbying.
Cette tâche rejoint en fait d’autres tâches qui ne peuvent être que consensuelles. Des tâches qui nécessitent, ici et maintenant, une très grande clairvoyance du pouvoir et une approche constructive de l’opposition qui doit être associée à toutes les étapes. Ceci est vrai pour la communication extérieure du pays comme il est vrai pour une instance régulatrice des médias écrits, électroniques et audiovisuels. Ceci est vrai pour l’instance qui organisera les élections comme il est vrai aussi pour l’instance qui gérera la justice transitionnelle ou normale, ou encore dans divers autres domaines qui impliquent les intérêts supérieurs de la nation.
Article publié sur WMC
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