Pourquoi Facebook et Google devraient avoir complètement disparu d’ici 5 ans

La lecture de la semaine est un post de blog hébergé sur le site de Forbes, blog tenu par un certain Eric Jackson (@ericjackson), fondateur de la société de capital-risqueIronFire. Le post est intitulé “Voici pourquoi Facebook et Google devraient avoir complètement disparu d’ici 5 ans”. Ce qui est intéressant, c’est que ce post a été écrit fin avril, bien avant donc les déboires qui accompagnent l’introduction de Facebook au Nasdaq en début de semaine. Mais il donne des pistes pour comprendre à quel point Facebook a été survalorisé.

 

Eric Jackson commence par expliquer que deux théories s’affrontent pour expliquer les cycles de vie des grandes entreprises. Celle qui considère prioritairement la manière dont elles sont dirigées, la qualité des dirigeants donc, leur formation, leurs visions stratégiques, etc. et qui étudie l’effet de ces paramètres sur l’entreprise elle-même. La seconde théorie porte le nom d'”écologie entrepreneuriale” et insiste au contraire sur les effets de milieux, le moment où est née l’entreprise, dans quel contexte, reléguant au second plan les décisions des dirigeants. Eric Jackson dit avoir longtemps dédaigné cette seconde théorie, mais l’observation de l’économie numérique l’amène aujourd’hui à considérer que la viabilité d’une entreprise dépend grandement du moment et du contexte de sa naissance. Et pour lui, il y a de grandes différences entre les Babys Boomers, la génération X (celle des années 70), et celle du nouveau millénaire, ce qui donne, en termes d’économie numérique, trois périodes. Le web 1.0, celui de Netscape, Google ou Amazon. Le web 2 .0, celui de Facebook, LinkedIn ou Groupon. Et le Mobile (avec par exemple Instagram). Et chaque génération a beaucoup de mal à s’adapter aux changements apportés par la nouvelle génération. Google s’est imposé en organisant mieux le chaos du web que ne le faisaient ses concurrents, mais a du mal à s’adapter à la nouvelle manière de penser qui s’est imposée avec le web social (pour Jackson, Google +, le réseau social de Google, est une “ville fantôme”). Quant à Facebook, s’il a emporté la mise du web social, il est probable qu’il ait du mal à franchir le cap de la nouvelle génération.

Voici l’analyse d’Eric Jackson, dont je rappelle qu’elle précède les événements des derniers jours. Pour lui, ce qui caractérise les entreprises de la nouvelle génération, c’est qu’elles considèrent le mobile comme le premier lieu (voire le lieu exclusif) de leur épanouissement. Elles se conçoivent comme des applications, pas comme des sites web. Or, selon Jackson “Il n’y aura pas de web 3.0, parce que le web est mort.”Pire, les entreprises des deux premières générations semblent incapables de s’adapter à ce nouveau paradigme. Ainsi, Facebook perd de l’argent dans le mobile, s’étant contenté de fournir des versions iPhone et iPad de son site Internet. Son modèle économique est fondé sur le web (avec d’ailleurs une baisse de revenu entre le dernier trimestre 2011 et le premier trimestre 2012), et Jackson ne voit aucune stratégie pour gagner de l’argent sur le mobile. Comment Facebook peut-il résoudre la question du passage à l’ère du Mobile ?

Et Jackson de citer un analyste qui explique que Facebook devra sans doute diviser ses services en différentes applications ou site HTML 5 : un pour la messagerie, une pour le fil d’actualité, une autre pour les photos, etc.

Cette fragmentation se fera sans doute au détriment de l’essence de Facebook. Et pour lui, le rachat récent d’Instagram par Facebook, entreprise symptomatique de la nouvelle génération, montre simplement la peur de l’entreprise d’être dépassé par un nouveau modèle. Et puis, considérant comme Facebook a traîné les pieds pour aller vers le mobile, Jackson prédit que ces changements prendront trop de temps… Car il faut aussi prendre en considération la vitesse des mutations. Et Jackson de citer Tim Cook, le nouveau PDG d’Apple, qui expliquait qu’en deux ans, l’entreprise avait vendu 67 millions d’IPad, or, il lui avait fallu 24 ans pour vendre le même nombre de Mac, 5 ans pour vendre le même nombre d’iPod et 3 ans pour vendre le même nombre d’iPhone. Et il est tout à fait possible que le rythme des mutations s’accélère encore dans les années à venir. Conclusion d’Eric Jackson : “les Google et les Facebook de demain n’existent pas encore aujourd’hui. Et d’ici là, bon nombre d’entreprises du web 1.0 et du web 2.0 auront été complètement rayées de la carte. La fortune viendra pour ceux qui sauront s’adapter et investir dans cet espace en pleine jachère. Ceux à qui appartiendra l’avenir sont ceux qui le créeront. Les monopoles du web n’ont pas la vie aussi dure que ceux d’antan.”

Voilà pour ce post lu sur Forbes. Son intérêt à mon avis, en cette semaine d’introduction de Facebook en Bourse est de montrer que la chute de l’action est sans due en grande partie aux jeux de passe de Stanley Morgan, mais aussi à une faiblesse fondamentale de Facebook, qui elle, n’avait pas échappé aux observateurs avisés de l’économie numérique. Faiblesse, est déjà un dinosaure.

Xavier de la Porte

Xavier de la Porte (@xporte), producteur de l’émissionPlace de la Toile sur France Culture, réalise chaque semaine une intéressante lecture d’un article de l’actualité dans le cadre de son émission.

L’émission du 26 mai 2012 s’intéressait au nouveau rapport du citoyen connecté à la politique, en compagnie de Laurence Allard (@laurenceallard) maître de conférences en Sciences de l’information et de la communication à l’université de Lille 3 (Paris 3/IRCAV) et Joëlle Menrath, également chercheuse en sciences de l’information et de la communication, directrice de la revueDiscours & Pratiques, qui ont toutes deux menées pour laFédération Française des Télécoms une étude centrée sur le comportement des internautes pendant la campagne présidentielle et le rapport qui s’instaurait via les réseaux.

Blog de Hubert GuillaudXavier de la Porte et Rémi Sussan, publié sur LeMonde.fr