Un rassemblement de protestation a eu lieu, mercredi, devant le théâtre municipal de Tunis, en réponse “aux agressions et aux tentatives d’assujettissement des médias publics”. “Le peuple veut libérer les médias”, “ni peur, ni terreur…les médias appartiennent au peuple”, “milicien, espèce de lâche…un journaliste ne peut être humilié”, scandaient les centaines de journalistes, femmes et hommes politiques et acteurs de la société civile qui manifestaient sur l’Avenue Habib Bourguiba.
Néji Bghouri, membre de l’instance supérieure pour la réforme de l’information et de la communication (INRIC) a prévenu, dans une déclaration à l’agence TAP, que le débat sur le secteur de l’information ne peut se faire sans médias publics. “Toutes les expériences de transition démocratique dans le monde se sont basées sur les médias publics étant donné qu’ils sont les plus aptes à évoluer”, a-t-il fait remarquer, expliquant que “les médias privés peuvent être soumis au pouvoir du politique ou de l’argent”.
Il a qualifié la proposition de privatiser les médias public d'”idiote”, estimant que “celui qui se permet de vendre les institutions de l’Etat n’est pas fait pour diriger l’Etat, d’autant plus qu’il n’a pas la qualité lui permettant de statuer sur ces questions”.
Chokri Belaïd (Mouvement des Patriotes Démocrates) a expliqué que ce rassemblement est une réponse symbolique aux agressions subies par l’ensemble du personnel de l’Etablissement de la télévision nationale. Il s’agit d’une action pacifique pour dénoncer “le comportement sauvage des milices, avalisé par le Mouvement Ennahdha”, a-t-il encore affirmé.
Ces incidents, considère M. Belaïd, sont “une preuve irréfutable de l’existence d’une volonté délibérée de ramener le pays vers la dictature et l’oppression”. Il a appelé toutes les parties à “défendre l’établissement médiatique public pour une information démocratique pluraliste, ni assujettie, ni inféodée, et qui exerce pleinement son rôle de contrôle”.
Maya Jribi, secrétaire général du Parti Républicain a salué “la résistance et la solidarité des journalistes face à une politique ciblée visant les médias publics”. Cette campagne avait commencé, a-t-elle rappelé, par les “déclarations gouvernementales accusant les médias d’être aux couleurs de Ben Ali et subjectifs”, pour arriver à “des sit-in dirigés qui violent jusqu’à l’intégrité physique des agents et cadres de la télévision nationale” et ensuite à “des déclarations claires de membres du gouvernement et de dirigeants du mouvement Ennahdha appelant à privatiser les médias publics”.
Khemaies Ksila, élu à l’Assemblée Constituante, a pour sa part souligné que “ce que la révolution a réellement apporté, c’est la liberté de la presse!”. “Cette liberté se trouve aujourd’hui sérieusement menacée, en particulier les organes de presse publics”, a-t-il déploré, indiquant que le gouvernement actuel “n’a pas compris que les médias publics ne sont pas les médias de la majorité ou du gouvernement”, mais “un service public”, c’est à dire “au service du peuple” et qui ne peut être réformé que par les gens du métier.
Pour Ahmed Brahim, président de la Voie Démocratique et Sociale, le rendement des médias après la révolution était “positif dans l’ensemble”. La réforme et l’assainissement ne se font pas à coups d’accusations et de menaces ni par la mainmise ou la vente des médias, a-t-il lancé, qualifiant ces agissements de “comportements irrationnels et irresponsables”. “Nous sommes tous appelés à dénouer la crise à travers le respect de l’opinion d’autrui et le rejet de la violence”, a-t-il dit, soulignant l’impératif de se dresser face à “tous ceux qui sont derrière les groupes organisés hostiles aux journalistes, aux intellectuels et aux politiques”.
Des individus manifestement contre le rassemblement ont lancé des insultes et traité les journalistes de “menteurs” et d'”hypocrites” et les médias de “honteux”.