Tunisie – Corruption : Le repentir de Belhassan Trabelsi… et après?

Belhassan Trabelsi sort de son silence pour demander pardon au peuple tunisien. Il répétait depuis longtemps qu’il n’était pas responsable des maux des autres membres de sa famille. Son avocat aussi n’a pas cessé de dire que la responsabilité pénale était individuelle, qu’il faut mettre fin à nombre d’amalgames et éclairer l’opinion publique quant à la réalité des choses.

 

On avait attribué à Belhassen Trabelsi, nombre de patronymes allant de parrain à vice roi de la Tunisie et on l’a même élu manager de l’année en 2006 suite à un concours composé d’un jury d’une douzaine d’experts de la place. Ceci pour l’histoire et pour qu’on n’oublie pas que les Belhassan Trabelsi ont grandi également grâce à des courtisans intéressés et vénaux.

Il y a encore quelque mois, ses avocats affirmaient : « Nous disposons de toutes les preuves pour disculper notre client et nous tenons à déballer les vérités. Nous espérons que les médias réagiront avec la crédibilité et le professionnalisme qui se doit pour ne pas s’emballer à partir de préjugés et pour transmettre les informations en se basant sur les faits ».

Dans la lettre d’excuses envoyée aux médias, par les soins de Me Lakhoua, avocat de Belhassan, ce dernier attaque sa lettre d’excuses par demander au peuple et au pays de lui pardonner tout ce que son nom a causé comme préjudice ou injustice que ce soit sciemment ou pas. « Nous nous trompons tous, mais il faut que l’on demande pardon, si l’on est sincères et cette lettre n’est qu’une tentative de ma part pour m’excuser et demander le pardon, bien que je sache que je suis aux yeux des Tunisiens, pour ne pas dire tous les Tunisiens, le criminel qui a pillé le pays et spolié les gens de leurs bien avant de s’enfuir…»

Pour ses avocats Belhassan est un « travailleur acharné qui passait près de 15 heures au bureau, c’est le chef d’un groupe solvable et structuré puisque jamais il n’a eu de traites ou de chèques impayés et que ses sociétés avaient été systématiquement contrôlées par le fisc », il figure parmi les rares hommes d’affaires à n’avoir jamais puisé dans les concessions des domaines publics ou dans les affaires de privatisation.

Est-ce-à-dire qu’il est blanc comme neige ? A la lecture de la lettre de pardon, un lecteur commentait : « Ah si seulement c’était vrai. Si Belhassen revenait, il démasquerait alors tous les hommes d’affaires qui ont pillé des milliers de millions de dinars de l’argent du peuple et qui prétendent maintenant qu’ils étaient de pauvre victimes du méchant loup. Autrefois, ils couraient après lui et lui léchaient ses bottes. Belhassen nous dévoilera aussi comment il a pu soutirer plus de 700 millions de dinars aux banques et aux investisseurs à la bourse de Tunis pour financer l’arnaque du siècle Carthage Cement, un projet sur papier qui roule encore ».

Belhassan Trabelsi assurerait à ce jour que tous les avantages, les facilités d’accès aux décideurs et les appuis qu’il a eus grâce à sa parenté avec l’ancien président de la République, n’ont jamais été emprunts « d’illégalité »…C’est vérifiable assurent ses avocats.

Belhassan Trabelsi aurait commencé sa vie d’entrepreneur avec une société de bâtiment en 1988  «Travaux et Bâtiments de Tunisie». Comment est-il arrivé à édifier un groupe aussi important en si peu de temps ? Ensuite, il a fait du négoce international dans le blinker, créé une société de location de voitures en 90/91. Il s’est ensuite intéressé au tourisme, acheté un terrain à Gammarth et a construit l’hôtel Khamsa Corinthia, avec le concours de sicars et l’aide de partenaires locaux pour faire le montage financier.

A l’époque, il y avait un banquier qui avait beaucoup d’ambition et voulait aussi aider le jeune premier, il lui avait accordé un prêt sans garantie au grand dam de Ben Ali, encore animé de « bonnes intentions » pour le pays et les biens publics. Parmi les actionnaires, des Libyens et des Maltais qui auraient acheté l’hôtel avec une plus-value de 11 MDT. C’est le commencement de la fortune Belhassan Trabelsi et le tremplin pour la construction du groupe, car le Khamsa Corinthia a été suivi par un hôtel à Djerba, ensuite un autre à Hammamet, hôtels qu’il revendait ensuite pour récolter la plus-value.

Que ce soit Cactus Production ou la société Carthage Cement, Belhassen Trabelsi, d’après ses avocats, jurerait ses grands dieux, que sans lui, ces projets n’auraient jamais pu percer et que ses associés seraient restés d’illustres inconnus. Belhassan serait « doué pour les affaires »…

Belhassan Trabelsi se déclare prêt à payer le prix quel qu’il soit et à « affronter toute instance judiciaire, structure de justice transitionnelle ou autre organisme, choisi par le peuple et approuvé par le gouvernement pour « interrogatoire et reddition de comptes ».

Qu’il ait bénéficié de faveurs, passe-droits, qu’il ait spolié des personnes ou des familles de leurs biens, qu’il ait abusé des lois en profitant de ses liens étroits avec l’ancien président, il se déclare aujourd’hui prêt « à présenter toutes les informations en sa possession, à donner tous les détails concernant la manière dont il s’était enrichi, à corriger ses erreurs et à réparer les préjudices s’ils existent ». C’est déjà un premier pas.

Il appartiendrait à une justice impartiale et juste de faire toute la lumière sur les affaires de Belhassan Trabelsi mais aussi sur tous ceux qui comparaitront devant-elle pour être jugés, innocentés ou incriminés. C’est à elle de trancher dans le sens de ses enquêtes, expertises et investigations et de décider du châtiment adéquat en âme et conscience. Il appartient également à ceux ou celles qui auraient pu être lésés par le beau-frère de l’ancien Président de demander justice.

Jacques Attali écrivait dans Fraternités, une nouvelle utopie, « Pardonner, gracier est un acte de foi et d’espoir, un pari sur le repentir et donc sur le progrès de l’homme ». Le repentir de Belhassan Trabelsi, comment sera-t-il accueilli par les Tunisiens ?

Amel Belhadj Ali

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