Il est 7h30 et le bureau de vote, situé dans l’école primaire Ettadhamen 2, est déjà plein à craquer. Une affluence extraordinaire qui reflète l’importance de ce moment historique pour notre pays. Dans cette cité populaire qui a connu des décennies de marginalisation, «wled ettadhamen» étaient au rendez-vous. Femmes, hommes, vieux, jeunes, une mosaïque fantastique d’un pays qui célèbre la fête de la liberté.
L’organisation du bureau de vote était assez satisfaisante exceptés les quelques petits soucis dans les fils d’attente de la part des électeurs et électrices. On faisait entrer un homme et une femme à chaque reprise, avec une priorité aux personnes agées. Les membres du bureau, étaient là, accueillants, en plus des observateurs et représentants des partis. L’armée était présente aussi avec certains agents de l’ordre. Une équipe de télévision étrangère était sur place.
Réjouissance…
«C’est la première fois que je vote et je suis très heureuse. Nous avons longtemps souffert de la marginalisation, de l’injustice et de l’inégalité sociale. Il est temps qu’on prenne en main notre avenir et l’avenir de nos enfants», lance Leila, une femme au foyer, alors qu’elle se tient dans une longue file d’attente.
Comme elle, des dizaines de femmes sont venues au petit matin pour accomplir leur devoir électoral. Un devoir qu’elles conçoivent comme une mission, un acte de purification. «Non à l’injustice, non à la corruption, non à la privation des droits. Nous voulons un pays libre, un pays prospère, un pays où chacun jouit de sa liberté, de ses droits et respecte ses devoirs», affirme Malika.
Pour la jeune Rahma, qui est en année de baccalauréat, le souci premier est l’employabilité des jeunes. Aspirant à être enseignante, elle indique qu’il est primordial de trouver une solution au problème du chômage. Elle affirme qu’elle a trois frères et cinq sœurs, tous diplômés de l’enseignement supérieur et qui travaillent dans des domaines qui ne sont pas les leurs.
Un malaise…
Derrière cette lueur d’espoir, éveillée par les premières élections démocratiques –espérons-le– en Tunisie, se cache aussi un malaise. «Nous sommes frustrés par les conditions de vie, par l’augmentation des prix, l’infrastructure inadéquate, les constructions anarchiques, la municipalité qui ne fait pas son travail comme il faut. Et puis cette image péjorative de la cité qui nous handicape même si c’est une cité dans laquelle on peut vivre sereinement ou comme on dit “ezzaouali yaâich“. On ne veut pas être manipulé», souligne Sami, technicien supérieur.
Ridha Belhaj Ali, un ouvrier, frôlant les 70 ans, se plaint de difficultés qu’il rencontre dans sa vie de tous les jours. «Mes enfants sont au chômage et je m’arrange quotidiennement pour leur apporter ce dont ils ont besoin. J’espère que ces élections nous apporteront la justice sociale à laquelle nous aspirons», souhaite-t-il.
Manque de confiance…
D’un autre côté, alors que certains ont pleinement confiance dans certains partis qu’ils ont choisis, d’autres affirment qu’aucun ne leur inspire confiance. Ils ne pensent qu’à gagner un siège dans la Constituante et à arriver au pouvoir. Ils ne pensent pas à nous qui subissons toute cette injustice», estime Sami, le technicien supérieur. «La Constitution doit refléter les aspirations des citoyens d’abord», ajoute Anouar.
Tant d’aspirations qui attendent d’être réalisées, après ces élections. Actuellement, on ne peut que se réjouir de l’affluence que connaissent les bureaux de vote. Le taux de participation dépassera les 60%, selon Kamel Jendoubi, président de l’Instance Supérieure Indépendante des Elections (ISIE).
Mais dans un quartier populaire comme Ettadhamen où le penchant religieux est très fort, certains n’ont même pas cherché à savoir les programmes de tous les partis, se suffisant à un seul parti, qui a une grande popularité ici. La jeune Rahma nous a confié que c’était son seul choix dès le début. Vous avez deviné quel parti il s’agit.
Quant au parti Ettahrir, non autorisé, et qui a son siège à Ettadhamen, il n’a pas manqué aussi l’occasion pour distribuer des tracts très tôt le matin dans les quartiers. Il appelle à boycotter les élections, estimant qu’elles ne sont pas dans l’intérêt du pays. Mais vu l’affluence, on peut aisément constaté que cet appel n’a pas été entendu.
Maha Ouelhezi