Foire de Tunis – Nawal Saadaoui : je crois à la justice divine

Ayant combattu avec un grand courage durant plus d’un demi siècle pour les causes de la liberté, valeur sur laquelle elle a été éduquée dès son jeune enfance, l’auteure rebelle Nawal Saadaoui, invitée d’honneur de la 31ème édition de la foire internationale du livre de Tunis a appelé à “revoir l’interprétation des textes religieux en invitant les jeunes à changer leur appréhension de la religion”.

Lors d’une rencontre lundi après-midi à l’espace Imam Sahnoun au Parc des expositions du Kram, l’écrivaine egyptienne a relevé qu’il “est temps d’agir aujourd’hui pour arrêter cette frénésie d’appels à la tuerie par un appel au respect de l’autre et de recourir au dialogue et non aux armes pour régler les différents quels qu’ils soient”.

Médecin de formation (pneumologue) Nawal Saadaoui la romancière ayant vécu dans les geôles des prisons sous le régime de Anouar Sadat en Egypte (1981), a critiqué ce qu’elle qualifie “toute personnes qui se place le représentant de Dieu sur Terre”.

Ayant longtemps été la cible de propos blasphématoires par les groupes islamistes extrémistes, Nawal Saadaoui qualifiée de takfiriste, à cause de ses pensées et de ses écrits, croit beaucoup à ce qu’elle appelle “la justice divine” car seul “Dieu incarne le symbole de la justice”, soulignant que “ces corpuscules takfiristes doivent impérativement perdre leur crédibilité auprès des jeunes”.

Avec un discours critique trop fort contre les Frères musulmans, Nawal Saadaoui n’a pas caché son hostilité vis à vis de ces groupes signalant que “l’Egypte a risqué de se perdre dans le tourbillon sous le pouvoir du Mouvement Islamiste”. En effet, a-t-elle tenu à rappeler, l’enseignement a été le premier secteur visé durant cette période. “On a supprimé la matière de philosophie du programme d’enseignement dans une tentative de barrer la route devant le savoir et la connaissance”.

S’arrêtant longuement sur ce volet, elle a soulevé la nécessité d’offrir à l’enfant la possibilité de nourrir chez lui la curiosité et l’esprit critique car a-t-elle mentionné “la démocratie demeure avant tout un comportement qui s’inculque dans la maison avant le Parlement”.

Dans une déclaration à l’agence TAP, elle a longuement critiqué la régression de l’éducation appelant les enseignants à changer leurs mentalités et encourager les enfants à cultiver leurs passions en leur ouvrant les possibilités d’interrogation notamment dans tout ce qui est considéré dans nos sociétés comme “tabou” s’agissant notamment de la religion.

Dans ce sens, elle a appelé les intellectuels à prendre leur courage à deux mains et à s’affranchir pour pouvoir avancer dans les processus des révolutions arabes qui, a-t-elle mentionné, n’ont opéré aucun changement dans les mentalités ni en Egypte ni en Tunisie. Il s’agit, selon ses dires “d’une révolution politique superficielle” appelant à une révolution culturelle pour assurer vraiment le changement escompté.

Militante et défenseur des droits de l’Homme, Saadaoui qui a son actif plusieurs ouvrages sur la femme a fait part de sa grande admiration pour l’abolition de la polygamie en Tunisie ce qui constitue “l’un des grands acquis du militantisme de la femme tunisienne à travers l’histoire”. D’ailleurs, “la femme doit être à l’avant garde dans les révolutions d’aujourd’hui” a-t-elle insisté.

Nawal Saadaoui qui a écrit 56 livres traduits dans plus de 35 langues, s’est penchée sur plusieurs sujets considérés par les sociétés arabes des tabous à savoir le pouvoir, la religion et le sexe.

Au sujet de sa candidature au Prix Nobel de littérature, elle a relevé que ce prix demeure “un prix politique à la base”. “Ce qui importe pour moi, c’est pas de remporter ce prix mais d’être lue et que mes écrits aient un impact sur mes lecteurs et sur leurs modes de vie” a-t-elle conclu.