Tunisie-Libye : Marzouki, à la solde du tandem Ennahdha-Qatar?

L’évènement: le président provisoire, Moncef Marzouki, a téléphoné, lundi 19 mai, à Nouri Bousahmein, président du congrès national général libyen (l’équivalent de notre Assemblée nationale constituante) pour l’informer de «son soutien au peuple libyen contre toutes les agressions orientées vers ses institutions».
Pour mémoire, ce soutien intervient à la suite des affrontements qui ont eu lieu, deux jours seulement après l’offensive menée à Benghazi par un général à la retraite, Khalifa Haftar, contre des milices islamistes, des affrontements qui ont fait 79 morts et 141 blessés.
Gros plan sur les enjeux de ce soutien.
Pour certains observateurs, cette communication téléphonique est, a priori, une prise de position irréfléchie. Elle constitue une des multiples bourdes du président tunisien qu’aucune force politique ne semble décidée à le faire taire. Cette bourde, qui intervient après les décisions diplomatiques malheureuses (coupure des relations avec la Syrie) et les déclarations hostiles au futur maître probable de l’Egypte, le maréchal Abdel Fattah al-Sissi, risque de déstabiliser la Tunisie et de mettre sérieusement en danger la vie des Tunisiens en Libye.
Logiquement, Marzouki, si jamais il était un chef d’Etat digne de ce nom, aurait dû, avant de téléphoner, tirer les enseignements de ces erreurs antérieures et éviter au pays de nouveaux problèmes, particulièrement avec la Libye qui n’est ni la Syrie ni l’Egypte, lesquels pays sont bien loin géographiquement pour qu’ils constituent une menace directe pour nous.

Marzouki, le seul chef d’Etat à avoir pris position dans le conflit
L’apprenti diplomate de Carthage aurait dû consulter, au moins, le ministre tunisien des Affaires étrangères rien que pour avoir une vue d’ensemble de l’évolution de la situation en Libye. Il aurait dû, selon les traditions diplomatiques, soit convoquer notre ambassadeur à Tripoli pour s’informer de la gravité de la situation et du rapport en force en place, soit inviter l’ambassadeur de Libye à Tunis ou son représentant pour avoir une idée de l’état des lieux.
Le locataire du palais de Carthage, qui a été lâché par une dizaine de ses conseillers, aurait dû avoir du respect, au nom de la légalité dont il adore parler, pour son homologue en Libye et téléphoner non pas au chef du législatif Nouri Bousahmein -dont les milices islamistes seraient une partie du problème- mais à l’exécutif libyen, en l’occurrence, Ahmed Miitig, fraîchement élu chef du gouvernement libyen par le Congrès général national (Parlement).

Par ailleurs, par ce soutien apporté à la va-vite, le président provisoire, qui serait, à notre connaissance le seul chef d’Etat à prendre une position claire dans ce conflit libyo-libyen, expose à des risques énormes les 140.000 Tunisiens vivant en Libye, et provoque le 1,9 million de Libyens vivant en Tunisie lesquels sont pour la plupart des pro-kadhafistes, et partant, de farouches ennemis de Nouri Bousamein et ses milices qu’il utilise pour envahir le Congrès général national chaque fois qu’il se trouve en difficulté.

Et pour ne rien oublier, à travers ce soutien, la Tunisie a perdu toute chance de développer ses échanges commerciaux avec la Libye si jamais les troupes de Haftar triomphent et deviennent les maîtres de la Libye post-Kadhafi.
Conséquence: quel que soit l’angle de ce soutien précipité de Moncef Marzouki, la Tunisie est la seule perdante.

Marzouki ne serait pas aussi fou qu’on le pense

Néanmoins, par delà ces éclairages, la question qui mérite d’être posée est celle-ci: quelles sont les parties qui avaient poussé le président provisoire à apporter ce soutien?

Logiquement, ce sont les parties qui ont tout fait pour faire accéder Mohamed Moncef Marzouki à la magistrature suprême, en l’occurrence, le parti Ennahdha au plan local et l’Etat de Qatar, à l’étranger.

Résultat: le président provisoire n’aurait été durant son mandat qu’un serviteur fidèle non pas à la Tunisie mais aux intérêts extranationaux de ses deux parrains employeurs (Ennahdha et Qatar), voire «un répondeur automatique» à leurs demandes».
C’est lui qui ouvre le bal puis ce sont ses protecteurs et leurs alliés qui achèvent le sale boulot. C’est dans cette perspective que s’inscrit le communiqué publié par Ennahdha juste après celui de la présidence et dans le lequel le parti du gourou Rached Ghannouchi «dénonce le coup d’Etat en Libye et déplore le recours aux armes pour exprimer une opinion politique». C’est dans cette perspective que s’inscrit le drame que connaît la Syrie…
Il me semble que le moment est venu pour mettre un terme aux errements du président provisoire, et ce, pour une simple raison: Il n’est pas aussi fou qu’on le pense. Il obéit à des ordres d’une extrême gravité pour la stabilité du pays.
On l’aura dit.

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