Le déplacement de Moncef Marzouki au Koweït risquerait-il de saper tout le travail consenti par Mehdi Jomaâ et sa délégation en tournée tout récemment dans les pays du Golfe pour récupérer le terrain perdu? Un positionnement privilégié de notre pays, partout dans le monde, altéré par les déclarations, le moins qu’on puisse dire, peu diplomatiques du président de la République provisoire, et le plus qu’on puisse dire, irresponsables et dénotant de l’absence totale de la dimension de l’homme d’Etat chez notre cher président provisoire (PP). Un président dont l’obsession de se maintenir en poste devient de plus en plus visible au regard du grand public.
D’ailleurs, c’est le seul président au monde sur lequel nous pourrions appliquer le slogan publicitaire: «J’en ai rêvé, Sony l’a fait». Lui a rêvé de Carthage, et le peuple tunisien, aveuglé par une pseudo-révolution ainsi qu’une Troïka guidée par l’union des intérêts partisans, le lui ont offerte sur un plateau d’argent. Lui, dont le souci principal est de se maintenir à la tête du pays et qui n’a eu de cesse de vouloir s’accaparer des prérogatives qui ne sont pas les siennes. Lui qui a courbé l’échine devant sa bienfaitrice Nahdha et qui veut aujourd’hui s’approprier des attributions sur le dos du nouveau chef de gouvernement en marchant délibérément sur ses platebandes.
Il est indéniable que Moncef Marzouki, malgré tout ce que nous pouvons dire de lui, est intelligent. Seulement son «intelligence», qui lui a permis de monter sur le créneau des droits de l’Homme pour se réaliser en tant qu’individu, risque de nuire à la Tunisie, à son image et à ses équilibres sécuritaires et socio-économiques. Car à chaque fois que le PP s’exprime en public, ce sont des déclarations grandiloquentes sur les droits de l’Homme (sic) sauf lorsqu’il s’agit de pouvoir, le sien, et d’autres fois lorsqu’il s’agit de prendre position à propos de ce qui se passe à l’international et surtout dans la région MENA.
Rappelez-vous le discours qu’il a tenu à propos des échafauds de pendaison si l’opposition venait à bousculer ou renverser la Troïka, ce qui revient à dire son siège à Carthage, ou ses déclarations prônant l’intervention d’une force arabe en Syrie. Sans oublier celles touchant l’Égypte et considérées dans le droit international comme une ingérence dans les affaires internes d’autres pays et une atteinte à leur souveraineté.
L’oisiveté est mère de tous les vices, et lorsqu’il s’ennuie, notre cher président invoque un Haut conseil sécuritaire, un autre économique ou encore préside des forums et des manifestations qui ne répondent pas réellement aux critères exigeant «le haut patronat du président de la République» ou sa présence officielle.
Il faut bien qu’il montre qu’il est le président «Bonté divine»! D’ailleurs, en matière de bonté, nous n’avons pas été épargnés. Dieu le Tout Puissant nous a gratifiés de sa présence aux rennes de l’État. Eh oui «allahoumma la nass3alouka radda Al Khadha3 innama Ellotfa fih» (Dieu, nous ne vous invoquons pas pour détourner de nous l’emprise du destin mais d’en alléger le poids).
Notre grand monsieur clairvoyant qui a «vu», il y a des années de cela, qu’il allait devenir président ne voit pas aujourd’hui les risques qu’il fait encourir à la Tunisie par son interventionnisme éhonté dans tout et n’importe comment. Ainsi, on peut lire dans le journal Le Maghreb du dimanche 23 mars qu’il aurait tout fait pour empêcher le Premier ministre de s’informer comme il se doit sur les détails de la situation sécuritaire du pays alors qu’il présidait le Haut comité sécuritaire.
De l’inconscience? Le besoin maladif de montrer qu’il est maître à bord ou celui de boycotter un jeune chef de gouvernement dont l’héritage n’est pas enviable après la gestion catastrophique des différents départements ministériels, entre autres par ses CPRistes.
Soit une toile d’araignée tissée en costume sur mesure pour le résident de La Kasbah? Car à ceux qui ne le savent pas, ou encore à ceux qui ont d’ores et déjà prédit l’échec du gouvernement Jomaâ, la Tunisie en tant qu’État a beaucoup perdu de son superbe, et depuis le 14 janvier, nombre de nouvelles mafias ont vu le jour dans notre pays.
Et pour commencer dans le grand banditisme et le terrorisme. Ainsi, de deuxième et troisième lignes, les corrompus d’antan sont passés en première ligne suite au départ de leurs maîtres d’œuvre sous d’autres cieux ou parce que mis aux arrêts. Les nouveaux sont partout et surtout réceptifs à tout. A la contrebande des produits alimentaires, des composantes automobiles, de l’électroménager et des produits textiles, certes, mais aussi à de nouvelles activités, grâce à un islam politique monté en puissance, celles plus nocives et plus menaçantes pour la sécurité du pays, la contrebande des armes et du blanchiment d’argent.
Comment tirer un fil de cette toile d’araignée «admirablement brodée» par des acteurs animés par des intérêts vicieusement politiques et bassement matériels sans bouleverser l’équilibre précaire qui maintient encore la Tunisie en vie -économiquement, socialement et sécuritaire-ment parlant? Beaucoup de finesse, de doigté et d’intelligence ou même de ruse politiques sont nécessaires.
Que faire pour réussir à «ré-institutionnaliser» des départements publics «désinstitutionnalisés» par la bénédiction de l’islam politique illustré dans sa forme la plus perverse par la Nahdha?
Quelle justification peut apporter un Abdelkrim El Harouni au fait qu’il a laissé l’ancien siège du ministère du Transport flambant neuf tomber en ruine et installer son ministère pendant plus de deux ans à Montplaisir pour être plus proche de sa ou ses sources avec les dépenses publiques que cela suppose?
Comment récupérer un appareil judiciaire mis à mal par un Noureddine El Bhiri et un successeur docile, obéissant et indifférent?
Que s’est-il passé au ministère des Domaines de l’État, et devrions-nous aujourd’hui l’auditer pour évaluer l’exercice d’un Slim Ben Hmidane, du reste beau-fils du ministre de l’Agriculture et donc partenaire avec lui dans la gestion des terres domaniales?
Que faire pour remettre les finances du pays d’aplomb après le passage d’un Elyes Fakhfakh qui a miné la loi des Finances, mal géré la CDC et placé ses amis à la tête des institutions bancaires et celles des assurances du pays?
Comment restructurer, professionnaliser et remettre sur les rails un ministère de l’Intérieur déstructuré par la volonté d’une opportuniste politique et d’un ministre nommé sous la pression suivi après les élections par celui issu de la majorité? Un ministère infiltré et fragilisé sciemment sous prétexte qu’il était «l’instrument de l’oppression»?
Que faire pour redonner au travail sa valeur et mettre fin à la montée du corporatisme et des revendications déplacées dans une Tunisie à genoux?
Comment répertorier les milliers de nominations comprenant les amnistiés et faites au nom de l’allégeance au parti unique et ses proches? A tel point qu’il y en a parmi eux qui, après avoir réintégré ou intégré l’administration publique, repartent en congé longue durée pour faire la concurrence au transport public grâce aux milliers de permis de places et de transport rural et interurbain délivrés par Abdelkrim El Harouni aux fidèles du parti…
Comment rétablir l’image de la Tunisie ternie à l’international à cause des maladresses et de l’ignorance des uns et des autres?
Ce n’est certainement pas la participation du PP au 25ème Sommet des États arabes au Koweït qui arrangera les choses. Car nous ne pouvons en aucun cas prévoir ou anticiper ses interventions, leur teneur ou leurs conséquences sur le pays.
Acrobates, équilibristes, jongleurs, trapézistes et sorciers, il faudrait avoir tous ces dons pour mettre de l’ordre dans le cirque laissé par la Troïka.
Bon courage, gouvernement de technocrates et Co!