Nous n’avons pas cessé de parler des résultats désastreux de la gestion socio-économique de la Troïka, mais nous avons omis de parler d’un autre désastre, celui de la gestion des relations diplomatiques avec nos voisins proches ou celui des pays arabes du Golfe. Nous sommes en train de les récolter aujourd’hui et la mine défaite, lundi 13 mars, de notre Chef du gouvernement lors de sa déclaration officielle qu’il a pourtant voulu rassurante, ne peut pas tromper les plus avisés parmi les observateurs de la scène géopolitique aujourd’hui dans la région MENA.
Mehdi Jomaâ s’est voulu rassurant, apaisant face aux pays du Golfe, mais il n’a pas reçu des engagements fermes quant aux aides financières à accorder à la Tunisie qui souffre dans sa chaire même des mauvaises gestions des gouvernements précédents. Le seul pays à s’être montré accueillant et chaleureux serait les Emirats arabes Unies qui auraient, selon des sources officieuses, promis une aide financière à la Tunisie. Peut-être pour couvrir les salaires des fonctionnaires pour les mois d’avril et mai, rien de sûr pour l’instant.
Car les échos parvenus de l’Arabie Saoudite ne sont pas tranquillisants, et c’est compréhensible en quelque sorte.
Même si Raouf Ben Rejeb, un ancien du ministère des Affaires étrangères, a indiqué en «connaissance de cause» d’après lui, «qu’il n’y a pas de règles définies et chaque pays a la latitude de décider souverainement du niveau du responsable chargé de l’accueil des personnalités étrangères. Dans certains pays on envoie un petit fonctionnaire du protocole pour faciliter les formalités d’entrée. Dans d’autres, c’est son homologue qui se déplace pour accueillir l’hôte à toute heure du jour et de la nuit. Ce sont les deux extrêmes avec des variations entre les deux. De plus, ces affirmations fallacieuses démontrent une ignorance complète de la réalité saoudienne. C’est le Roi lui-même qui est le chef du gouvernement et on voit mal le Roi, âgé et malade, se rendre à l’aéroport pour accueillir M. Jomaa.
Le souverain chef de gouvernement a deux adjoints, le prince héritier Slimane Ben Abdelaziz qui était rentré le jour même d’un long périple à l’étranger où il avait visité notamment l’Inde et la Chine, et donc ne pouvait se rendre à l’aéroport, puisque l’homme âgé n’est pas au meilleur de sa forme; le second adjoint est le Prince Mograne Ibn Abdelaziz, frère et représentant spécial du Roi. C’est lui qui a accueilli M. Jomaa. C’est protocolairement son homologue.
De plus, le chef du gouvernement a eu une longue séance de travail avec le Prince Saoud el-Fayçal, l’inamovible ministre des Affaires étrangères qui était entouré du Prince Abdelaziz Ben Abdallah, le propre fils du Roi et qui est le vice-ministre des AE (avec rang de ministre selon le décret de sa nomination). Donc prétendre que M. Jomaa a été mal accueilli est totalement faux».
Toujours est-il que, après avoir classé les Frères musulmans dont Rached El Ghannouchi est l’un des piliers en Tunisie dans la liste des organisations terroristes, on se serait peut-être attendu à ce que Mehdi Jomaâ fasse de même pour le parti Ennahdha. Quoi de plus naturel? Lorsqu’on voit leur précieux allié le Qatar mis au pilori par ses «frères» du Conseil de Coopération du Golfe et à leur tête le Royaume wahhabite, on peut comprendre que les Saoudiens exigent la tête de l’Ennahdha, soutenue principalement par le Qatar.
Juste pour précision, les Etats-Unis, qui avaient donné l’initiative au Qatar de gérer les conflits afghan, irakien et syrien, espérant que cet Etat nain arrive à les sortir indemnes des guerres insensées dont ils ont encensées la région lui ont retiré ce rôle de leader pour le remettre au grand frère saoudien.
Que pèse aujourd’hui le Qatar dans la région arabe? L’Arabie Saoudite ferait tout pour le remettre à sa juste dimension, un pays tout petit – petit, toutes mesures confondues.
Moncef Marzougui, Hamadi Jebali, Ali Larayedh et à leur tête le grand Cheikh Ghannouchi -qui préside un parti dont le nom renvoie à la renaissance mais en a fait le fer de lance d’un extrémisme religieux à peine dissimulé- devraient se féliciter des torts qu’ils ont porté à la Tunisie. Leurs positions laxistes face à la montée de l’extrémisme religieux et leurs déclarations incendiaires et peu diplomatiques ont envenimé les relations de la Tunisie avec des pays censés être plus leurs alliés que leurs ennemis.
La Tunisie est toujours mise au pied du mur, grâce à vous messieurs et votre admirable gestion des affaires de l’Etat. Non seulement ses caisses sont vides mais elle ne peut espérer les remplir, comme l’Egypte, par des aides directes de la part des pays frères et amis.
Le Qatar réparerait-il le mal fait à la Tunisie? Est-ce un honneur pour nous d’accepter l’aide d’un pays qui a tout fait et tout investi pour détruire notre modèle de société?
Qui devrait-on juger maintenant? Les gouvernements qui ont mis le pays en faillite? Ou celui dirigé par un «dictateur» dont somme toute le bilan économique, politique ou diplomatique n’était pas aussi mauvais que ça?