Quand une photo insolite du Président tunisien Marzouki le conduit à une réaction liberticide et non moins insolite !

La photo ci-dessus, prise au beau milieu du salon des audiences du Palais présidentiel de Carthage, montrant le Président Marzouki  dans une posture quelque peu insolite, a été largement diffusée dans la presse, le jeudi 9 courant, accompagnée  de commentaires  faisant référence à ses présumés talents cachés de danseur, le comparant même à Mickael Jackson.

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Cette diffusion n’a pas plu au locataire du Palais de Carthage, à tel point que le lendemain, il a fait interdire à la quasi-totalité des journalistes tunisiens, «en guise de punition collective (…) même [parmi] ceux figurant sur la liste des médias conviés » [1],  d’y accéder  pour couvrir un évènement qui a tardé à venir, bien qu’attendu depuis des mois et des mois [2], à savoir la nomination d’un nouveau Premier ministre indépendant, en la personne de Mehdi Jomaâ, et ce, suite à la démission, la veille, du Premier ministre islamiste Ali Larayedh, conséquence d’une mobilisation sans précédent des forces démocratiques, de la société civile et de la classe politique, matérialisée, entre autres, par des manifestations et sit-ins, à travers tout le pays, qui ont  duré des mois, de façon ininterrompue, nuit et jour, par le retrait de plus du tiers des députés de l’Assemblée Nationale Constituante,…Parmi les chaines de télévision tunisiennes et étrangères, seules la chaine nationale Wataniya  et Al-Jazeera ont été autorisées à couvrir ledit évènement [2]. Pour cette dernière, cela va de soi, puisque le Président Marzouki en est un chroniqueur [3].

Ainsi, les citoyens ont été privés, pour des raisons d’ego présidentiel, auquel, d’ailleurs, ils sont habitués, de suivre cet évènement historique de la Tunisie en gestation dans la réalisation des objectifs de sa Révolution, à cause de la susceptibilité d’

 Un Président qui persiste à se nourrir

De son fonds de commerce ruiné des Droits humains,

Dont l’aura acquise continue à dépérir

Par son oubli de l’a-b-c des Droits humain[4]

Mais le comble, c’est que cela n’a pas empêché notre Président droits-de-l’hommiste (Eh ! Oui !  Il fut, dans une autre vie, Président de la Ligue Tunisienne des Droits de l’Homme) de déclarer, dans son discours, à l’occasion du troisième anniversaire de la Révolution, qui a eu lieu hier mardi 14 janvier 2014 :

« Tout au long de ces trois dernières années (…), nous avons protégé la démocratie. En dépit de toutes les provocations, en dépit de toutes les provocations [nda : oui, expression répétée deux fois], nous n’avons pas mis un seul journaliste en prison (…), au contraire, nous avons été patients et nous avons dit : la liberté et la liberté et la liberté et toujours la liberté [nda : oui, le mot liberté est répété quatre fois], malgré toutes ses difficulté, malgré tous ses problèmes ».

Une telle déclaration est inquiétante pour les citoyens que nous sommes, car elle démontre soit que notre président est un virtuose de la mauvaise foi, soit qu’il prend son peuple pour  des imbéciles, soit qu’il est atteint de la maladie d’Alzheimer. En effet,  la liste de contre-exemples  à cette affirmation présidentielle est longue et comprend, en particulier, outre ladite interdiction concernant les journalistes décrite ci-dessus, les faits suivants :

-Le Président Marzouki vient de gracier, à  l’occasion de ce troisième anniversaire de la Révolution,1806 prisonniers et Jabeur Mejri [6],le premier prisonnier d’opinion du contre–Printemps tunisien, n’en fait pas partie ;

– Le Président Marzouki a oublié que le journaliste Zied El Héni a été emprisonné pour délit d’opinion ;

Le Président Marzouki a oublié que l’artiste Nasreddine Shili, pour un simple «lancer d’œuf » dont la cible  était le Ministre de la Culture Mehdi Mabrouk, a été emprisonné avec comme chefs d’inculpation : “conspiration et préméditation d’actes de violences contre un fonctionnaire public,  diffamation, atteinte aux bonnes mœurs et outrage à autrui“.

Par  Salah HORCHANI

publié sur Mediapart.fr