Cela ressemble à un scénario bien huilé depuis le 14 janvier. Depuis 2 ans, les événements se suivent selon une chronologie quasi mathématique; et on n’a pas besoin d’un marabout pour nous prévoir les événements à venir.
Cependant, pour éclairer l’avenir, rappelons le passé:
– 2008, les événements du bassin minier, zone de perturbation quasi permanente depuis la nuit des temps, mais passés inaperçus comme d’habitude.
– 2010, la célèbre gifle bénie -donnée par une femme- et la mort de Bouazizi.
– 2011, départ inattendu et précipité de ZABA après un «dégage» devenu célèbre et qui a redoré à la langue française quelque vigueur.
– Ensuite, cela se précipite aussi bien chez nous que dans le monde: l’Egypte s’enflamme et sera suivie par d’autres pays arabo-musulmans et la liste est bien longue. Chez nous, les prisons s’ouvrent et on découvre l’horreur du système qui vient de s’effondrer et les bannis reviennent «après s’être assurés que cela était possible».
– Et la récupération de ce qu’on a commencé à appeler gentiment “la révolution du jasmin“, puis encore plus gentiment “le printemps arabe“ a commencé.
Revenons chez nous et rappelons rapidement les événements qui ont suivi:
– Gouvernement provisoire et préparation des élections basé sur un curieux système de modulo 60000, ce qui a peut-être faussé intentionnellement leurs résultats qui se sont avérés si peu représentatifs; le super intelligent Tarak Ramadan en conclut que tout ça a été programmé par qui de droit pour tester l’islamisme modéré dans les pays musulmans… Cet amalgame entre ISLAM, ALLAH, musulmans, islamistes créé de toutes pièces pour protéger la civilisation occidentale qui voudrait se venger de toutes les guerres perdues en terre d’ALLAH: Algérie, Irak, Afghanistan; mais ça c’est un autre article.
– Prise du pouvoir par une troïka qui installe à CARTHAGE un président symbolique et au Bardo un gentil médecin, et ce sous le contrôle d’un homme extrêmement doué qui a toute sa vie agi dans l’ombre, pourchassé par plus d’un pouvoir et qui a risqué la corde plus d’une fois et qui a beaucoup voyagé et appris.
– Mais le quotidien prime et il faut revenir aux affaires courantes et gérer cette cocotte bouillonnante dont le 14 janvier a fait sauter le couvercle et mis en évidence aussi bien les aberrations du système précédent que l’incompétence de ceux qui l’ont remplacé.
– Et depuis le 23 octobre, on assiste à une guéguerre permanente entre le nouveau pouvoir et la société civile qui a gardé sa vigueur comparativement à d’autres pays comme l’Egypte où tout s’est passé tellement vite, et aujourd’hui le dossier semble classé malgré le courage de l’actrice ILHEM CHAHINE – encore une femme!
Et cette guéguerre s’en est allée crescendo:
– D’abord, il y a eu la série des gentilles Kasbah avec la célèbre image de BCE assis à même le sol,
– Ensuite, on a vu les barbes pousser assez vite et les nikab prospérer, une sorte de yeménisation sociale.
– Et les grèves à répétition, les augmentations de salaire rapidement dissolues dans des augmentions de prix et la disparition de certains produits, et
– La bastonnade du 9 avril et l’interdiction de manifester sur l’avenue Bourguiba –encore heureux qu’ils n’aient pas encore changé le nom de cette avenue.
– L’insécurité, les poubelles qui débordent, une police désorientée sans consignes, des prêcheurs incendiaires de tout bord, des hommes d’affaires bloqués, d’autres jetés en prison et en attente de jugement, des rumeurs savamment entretenues, des débats à ne pas en finir donnant l’illusion de la liberté d’expression, des procès à des universitaires, des avocats qui tirent sur tout ce qui bouge, cela ressemblait à s’y méprendre à un scénario d’algérianisation du pays, qui, heureusement, n’a pu être réalisé et peut-être grâce à l’assistance et la collaboration de l’Algérie qui y a laissé durant plus de dix ans l’équivalent de la population qatarie…
– Ensuite, une accélération des événements devant la résistance de la société civile, et c’est l’ambassade des USA, les chevrotines de Siliana, la grève générale de Sfax, l’agression de Tataouine, l’attaque du siège de l’UGTT, et j’en oublie, et la j’invite mes consœurs et confrères à reconstituer en détail jour par jour les événements des 2000 derniers jours, il y a de quoi faire une thèse de doctorat!
– Devant cette société civile médusée et encore réactive, et une administration encore structurée mais en plein désarroi, une opposition impuissante, mais qui continue à résister, on est passé à la vitesse supérieure dans la déstabilisation: des armes dans la banlieue de Tunis, Al Qaïda dans les montagnes tunisiennes, et pour terroriser le fonctionnaire lambda, on lui annonce des difficultés pour régler les salaires! Et là on devient une République bananière où les salaires sont payés à la saint glinglin! Dans certaines d’entre elles –les Comores-, l’émir du Qatar passe de temps en temps pour offrir les salaires des 5 ou 6 derniers mois non réglés! Voilà la boucle est bouclée et qui de droit peut répéter à satiété que ce monsieur est notre partenaire principal !
Tout se serait passé presque à merveille mais des grains de sable viennent gripper la machine, et pour ne citer que les principaux et pêle-mêle
– les salafistes enfants spirituels du grand chef ont perdu 2 de leurs cadres dans de tristes conditions et ne veulent pas oublier qu’on les a rejetés du système,
– un président de la République devenu un populaire perturbateur impénitent,
– la pluie ne semble pas vouloir tomber,
– nos produits agricoles préfèrent voyager en catimini,
– un gouvernement pléthorique quasi incompressible et impopulaire,
– une exposition de chaussures et de vêtements marquée par une volonté de vengeance et de chmata,
– une justice bizarroïde;
– le Sheratongate -un scandale révélé encore une fois par une femme, qui aujourd’hui est menacée dans son intégrité morale et physique;
– et cerise sur le gâteau, un feuilleton turc avec comme vedette l’ex-présidente de l’ATM…
Ça c’est le constat. Quid de l’avenir? Sans lire dans le marc de café, on peut dire que la vision n’est pas nette surtout si on subit trois années de sécheresse successive et on a le choix entre continuer à chercher des moyens de démolition de la société tunisienne –mais ça sera long et difficile, nos femmes sont très résistantes– et reconstruire pour effacer les traces du passé.
Ainsi, aussi contradictoire que cela puisse paraître, trois conditions seraient nécessaires et peut-être suffisantes pour sortir de l’ornière qui consisteraient en une entente entre les deux principaux partis qui doivent mettre de l’eau dans leur vin –sic- la séparation du temporel de l’intemporel et le renforcement et l’encadrement du quatrième pouvoir.
Ensuite et les chantiers sont nombreux, vu l’accumulation des aberrations sociales, économiques et religieuses depuis quelques décennies et une dizaine d’articles, ne suffirait pas à dire ce qu’il y à faire dans un pays où on a la chance d’avoir le meilleur gisement qui n’attend qu’une stratégie adéquate pour être productif… Mais voudrait-on que ce pays émerge? That is the question!