Financement des médias en Tunisie : Le nerf de la guerre

Un colloque organisé à Tunis, les 19, 20 et 21 novembre 2012, se penche, entre autres, sur le financement de la presse. Un souci majeur pendant les périodes de transitions politiques. Cela y va de l’indépendance des médias.

La presse se doit d’être libre et plurielle. Sans cette liberté d’expression et sans le pluralisme des idées, la presse ne pas se développer. Mais cela n’est pas suffisant dans la mesure où un journal, une radio, une télévision ou encore un journal électronique ont besoin d’avoir leurs moyens d’assurer sa pérennité. C’est dire l’importance du financement dans la vie d’un média.

C’est sans doute l’un des plus importants enseignements de la première journée du colloque organisé par le réseau Théophraste Renaudot des écoles francophones de journalisme organisé en collaboration avec l’Agence universitaire de la Francophonie, l’Institut de presse et des Sciences de l’Information (IPSI) de Tunis et le Centre africain de perfectionnement des journalistes (CAPJC), au siège de ce dernier, du 19 au 21 novembre 2012, sur le thème «le journalisme à l’épreuve de la liberté».
Consacrée donc aux questions relatives aux aspects économiques des médias, la journée du lundi 19 novembre a vu la participation de sept universitaires qui ont plongé dans le vécu de cinq pays: La Tunisie, le Sénégal, Madagascar, la France et la Belgique.

Nourrir ceux qui en vivent


Des vécus différents, mais qui disent la même chose: qu’est-ce qu’il est difficile aujourd’hui de financer la presse, qu’elle soit écrite, parlée, télévisée ou électronique. Produit intellectuel ou culturel par excellence, la presse n’est pas moins un produit industriel qui se doit de trouver des financements pour continuer à la vivre en nourrissant ceux qui en vivent mais aussi ceux qui ont investi quelquefois des milliards.
Des financements qui se font dans des conditions particulières notamment dans les pays en développement comme la Tunisie où la liberté d’entreprendre dans ce domaine a fait éclater le marché médiatique.
Exiguïté du marché du fait du nombre limité des lecteurs ou encore des recettes publicitaires ont rendu la vie dure aux médias. En Tunisie, la transition démocratique a permis de voir naître 12 nouvelles radios, 10 nouvelles chaînes de télévision et pas moins d’une trentaine de périodiques.
Combien peuvent-ils survivre lorsqu’on interroge la réalité que nous renvoie le marché: 2% seulement des dépenses sont consacrées à la culture et aux loisirs (dans lesquels on intègre la presse), un abonnement à un quotidien engloutit 65% des revenus d’un Smicard, le revenu par tête d’habitant ne dépasse pas 5000 dollars (près de 7.9000 dinars) par an…
Même situation au Sénégal où cohabitent 20 quotidiens dont 3 dédiés au sport, 20 radios commerciales et 10 stations de télévision en plus des chaînes radio et télé du mastodonte RTS (Radio et Télévision du Sénégal), l’audiovisuel public qui truste les budgets publicitaires: 10 à 15 milliards de Francs CFA (un Franc CFA équivaut à 0,0015 euro) sur les 20 milliards que compte le marché.
La situation n’est pas meilleure à Madagascar qui compte 10 télévisions et 300 radios.
Une sorte de fuite en avant qui n’arrange pas les choses. Cette situation est même dangereuse pour les démocraties naissantes. Aussi bien pour les pouvoirs politiques qu’économiques qui en profitent pour tenter de mettre la presse au pas.
Et les intimidations ne manquent en effet pas lorsqu’on souhaite domestiquer la presse notamment audiovisuelle que la quête permanente de l’audimat oblige à arrondir les angles pour ne pas heurter les convictions des uns et des autres.
Nous y reviendrons.

Article publié sur WMC