Après les évènements survenus à Bizerte et à Gabès, Nous avons décidé de remettre en ligne cet article sur les chiites tunisiens, publié en mars 2012.
On parle désormais de Gabès comme le haut lieu du chiisme tunisien. Du prosélytisme iranien. Du bastion des partisans de la maison du Prophète. De la Mecque de la dévotion aux imams. A la lignée hachémite. Mais alors pourquoi cette semi-clandestinité? Ce souci du secret? De la dissimulation? Est-ce la peur des salafistes qui n’hésitent pas à les traiter de mécréants? Voire d’hérétiques? Attendent-ils l’heure propice au dévoilement?
Sont-ils encore au premier stade du déploiement? Disposent-ils de certains relais au sein du mouvement Ennahdha, naguère sensible aux sirènes de la République islamique d’Iran? Peut-on s’attendre à un raz de marée mahdiste sur la terre tunisienne? C’est peu probable. Surtout en terre malékite, nous dit-on.
D’ailleurs, le ministère de l’Intérieur a opposé une fin de non recevoir à l’Association de la bienveillance culturelle chiite, qui continue quand même d’avoir pignon sur rue dans la ville de Gabès. Propageant le culte alaouite. Animant le rite d’El Achoura. Mémoire de l’épopée de Karbala depuis 1.400 ans.
Les bibliothèques d’obédience chiite fleurissent dans les différentes médinas des villes tunisiennes. L’une d’elles, baptisée «Fatma Zahraâ», située au cœur de la médina de Tunis, a subi récemment les attaques de certains groupes salafistes. Ce qui a provoqué l’émoi de larges franges de l’élite religieuse libérale du pays. Attachée à la paix et à la quiétude parmi les croyants. Quelle que soit leur confession.
En fait, d’après certaines sources religieuses, les passionnées du martyrologue husseinite, qui se comptaient par dizaines dans notre pays dans les années soixante du siècle dernier, ont vu leurs rangs grossir considérablement après la chute de la monarchie iranienne des Pahlawi en 1979 et le retour triomphal de l’Ayatollah Khomeiny à Téhéran. La révolution de la liberté et de la dignité vient de favoriser apparemment leur émergence solennelle sur la scène politico-religieuse locale. En dépit de l’hostilité déclarée de cheik Rached Ghannouchi, président du mouvement islamiste Ennahdha. Qui manifeste de plus en plus son irritation vis-à-vis des écoles de Najaf, de Karbala et de Qom. Et de la nébuleuse salafiste wahhabite, dont l’un des porte-parole, cheik Béchir Ben Hassen, considère l’éradication des chiites tunisiens comme un devoir sacré pour tout sunnite rigoriste.
«La religion se plante au cœur des hommes par la force de la doctrine et la persuasion, et se confirme par l’exemple de vie et non par le glaive», affirme dans ses interventions publiques, Mohamed Tijani Smaoui, l’une des figures de proue du chiisme tunisien, pour qui la terre du Maghreb était à ses débuts encline à l’imamat. A la diversité des interprétations canoniques. A l’essaimage des écoles religieuses.
Le mouvement Ennahdha, insistent les chiites tunisiens, gagnerait à présenter un discours fédérateur, à éviter l’anathème et les diatribes déstabilisantes et à s’éloigner de la politique des axes au Moyen-Orient et du diktat des monarchies du Golfe, qui redoutent Téhéran, capitale de la résistance palestinienne et libanaise et oublient la menace de l’Etat hébreu, enclave occidentale dans la région. Depuis la promesse de Balfour.
Par Imededdine Boulaaba
> Publié sur WMC en date du 12 Mars 2012
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