Tunisie – Affaires des martyrs – Ramzi Bettibi (Nawaat) : Grève de la faim pour réveiller les consciences!

«La campagne de solidarité de nombre de mes concitoyens et concitoyennes, pour me soutenir dans ma grève de la faim, m’a rappelé une autre: celle des blogueurs et des activistes sur le Net, lesquels, depuis le 17 décembre 2010, n’ont pas cessé de dénoncer, de se battre et de militer pour une Tunisie meilleure et surtout pour la liberté d’expression. Le peuple que l’on a voulu diviser en accentuant ses différences s’est uni autour de ma cause et j’en suis fier.

Je réalise également que les médias classiques observent des positions aussi “classiques”, celle de l’attentisme et de la prudence». C’est ainsi que s’est exprimé Ramzi Bettibi, journaliste au site Nawaat qui a entamé le lundi 28 mai 2012 une grève de la faim. Ramzi Bettibi, militant de longue date, n’a pas eu besoin de crier sur tous les toits que c’est un ancien prisonnier politique, qu’il a été maltraité par le régime Ben Ali à tel point qu’il n’a pas pu assister en 2006 à l’enterrement de son père, ou qu’il a, à différentes reprises, été mis en isolation.  Lui, continue son combat en tant que journaliste. C’est ce qui explique  sa décision d’entrer en grève de la faim après que sa caméra et son appareil photo ont été confisqués par la justice militaire  alors qu’il couvrait  le procès sur les évènements qui ont mené à la mort de centaines de Tunisiens avant et après le départ de Ben Ali, le 14 janvier 2011.

« L’histoire se répète, le système répressif n’a pas disparu avec Ben Ali, loin de là, il continue de plus belle et le pire, est que je constate une volonté de la part du pouvoir de dissimuler la vérité aux Tunisiens. Nous avons droit à l’information et nos compatriotes qui ont souffert pendant des décennies du musèlement des médias ont le droit de connaître la vérité ».

Ramzi Bettibi vient de recevoir de la part des familles des martyrs un communiqué dans lequel ils revendiquent le retrait de leurs affaires de la justice militaire pour  la soumettre à un collège de magistrats indépendants : « Pour moi, c’est la seule garantie pour des procès équitables et surtout pour savoir qui a fait quoi et pourquoi. A voir le déroulement des procès en question, nous avons la nette impression qu’il y a beaucoup de détails qu’on veut nous cacher et beaucoup de zones obscures sur lesquelles on ne veut pas mettre la lumière. Ce peuple mérite qu’on lui dise la vérité, il faut que les faits soient établis et rétablis pour que nous nous réconcilions avec l’histoire ». Pour le journaliste militant, il y a beaucoup de mauvaise foi dans le traitement des dossiers des martyrs de la révolution, allant des investigations superficielles au non-respect des procédures, en passant par les restrictions imposées aux journalistes pour les empêcher d’assurer au mieux leur mission.

Ramzi Bettibi a envoyé une lettre à la Constituante mercredi 30 mai, il y appelle les membres à défendre les droits des Tunisiens à la libre expression et le droit des familles des martyrs à connaître la vérité sur ce qui est arrivé à leur progéniture.  Deux députés se sont rendus à son chevet jeudi, Yamina Zoghlami et Mahmoud Baroudi, ils l’ont assuré de leur soutien et ont promis de faire ce qu’ils peuvent pour que les choses évoluent dans le bons sens.

Le fait est que personne ne connaît les véritables enjeux sous-jacents les procès sur les martyrs de la révolution. Car quoi qu’on dise et répète à propos de la non existence de snipers dédiés à abattre les contestataires, nous n’avons pas à ce jour une idée précise sur les responsables des tueries perpétrées en Tunisie, sauf des semblants d’informations qui suscitent plus de questionnements qu’elles ne donnent de réponses.

Ramzi Bettibi, par sa grève de la faim, pourrait-il secouer le processus ? Cela dépendra des intérêts des uns et des autres.

Amel Belhadj Ali

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