«Ce que je pense» de Soraya Ben Mostapha

Par : Autres

Ce que je vais écrire risque de ne pas plaire, ce n’est pas un poème lyrique ou l’oraison funèbre d’une compatriote conciliante. Je dis toujours le fond de ma pensée sans faire de cinéma, et si quelqu’un n’est pas d’accord, il peut zapper (binetna filsa).

Des Africains arrivent en Tunisie et bossent comme des malades dans la restauration, les champs, l’aide à domicile, les salons de coiffure, le bâtiment… Ils sont sérieux, appliqués, ponctuels, ils ont la culture du travail, de l’effort, ils gagnent leur vie dignement…

D’un autre côté, de jeunes tunisiens veulent gagner le salaire d’un cadre supérieur en ne foutant rien -non je ne bosse pas dans la maçonnerie, non au gardiennage, au ménage, au travail agricole… Tous ces secteurs manquent de main-d’œuvre mais ils préfèrent se jeter dans la gueule du loup… Ils veulent s’enrichir vite, sans se fatiguer avec, pour la plupart, aucune qualification, aucun diplôme, puisque “les études c’est pour les nuls” et “les petits métiers pour les minables”.

Ils se tournent évidemment vers la solution de facilité, l’appât du gain, l’Eldorado européen où ils ne sont pas désirés… et montent par centaines dans ces embarcations de la mort pour poursuivre un rêve chimérique et finir tragiquement…

Ce qu’on ne sait pas, c’est que des familles encouragent parfois leurs enfants à partir, et manifestent ensuite pour connaître leur sort ou réclamer le rapatriement des dépouilles. Loin de tout sentimentalisme -bien que cela soit très difficile vue l’ampleur du drame-, il faut reconnaître que ces jeunes ont joué à la roulette russe, étaient parfaitement conscients de ce qu’ils risquaient, de l’illégalité de leur acte, du pourcentage de réussite… Ils ont choisi, oui choisi !

C’est terrible, ça fait mal de voir autant de vies gâchées, autant de familles endeuillées, toute cette douleur est insurmontable, mais désolée, on ne peut pas tout mettre sur le dos de l’Etat.

L’Etat assure la scolarité, les services de santé, les contrats SIVP et autres formules d’encouragement, mais aucun Etat, même pas les plus riches et développés, n’assiste les citoyens jusqu’à leur procurer à tous un emploi sans qu’ils ne fassent le moindre effort, il n’y a qu’à voir les taux de chômage ici et là.

L’Etat doit par contre, et là réside son manquement, lutter avec acharnement contre les passeurs, ces crapules qui se nourrissent de chair humaine pour s’enrichir. Ce sont eux la cible à combattre. Il faut les traquer, les enfermer, les condamner pour homicide pour chaque vie humaine perdue en mer ! Ça leur en fera des années à l’ombre, même si en ce qui me concerne, ils sont bons pour la guillotine, parce que l’idée qu’ils continuent à vivre aux frais du contribuable m’insupporte.

C’est certes une activité noyée dans la corruption, mais là c’est le problème des autorités, elles ont l’obligation de le résoudre au lieu de s’essouffler à poursuivre les non jeûneurs ou les gamins qui s’embrassent dans la rue.

Ce qui m’est aussi insupportable, c’est de voir des femmes enceintes, ou bébé dans les bras, monter dans ces embarcations de fortune. Pourquoi ??? Y a-t-il en Tunisie un génocide ? Leurs vies sont-elles menacées pour en arriver à jeter des bébés aux poissons ?

Est-il à ce point inconcevable de rester chez soi, dans son pays, en citoyen à part entière malgré toutes les difficultés, au lieu de courir vers la mort, ou au mieux la clandestinité et la peur quotidienne de se faire prendre et d’être expulsé ? Dans le meilleur des cas, il faudra vivre en citoyen de seconde classe, être exploité, regardé de travers à chaque coin de rue, être considéré comme inférieur, toujours la mettre en sourdine… .

Est-il inconcevable de faire ce travail que des Africains font avec abnégation ? De suer, de se battre, de bûcher dur, de se contenter de peu, même très peu, mais vivre en sécurité, vivre tout simplement ?

Ce dont on a besoin, ce n’est pas de compassion, de larmes et de quelques mots sur les réseaux sociaux, ce qu’il faut c’est informer, changer les mentalités, encourager le travail, l’apprentissage, les études, la culture de l’abnégation, s’il faut se tuer, c’est au travail sous un soleil de plomb, et non pas en mer pour traverser illégalement vers l’Europe.

Ce sont des victimes oui, de l’ignorance, de la culture de la fainéantise et du farniente, de l’évolution de cette société vers le gain facile, le suivisme, les ambitions démesurées. Victimes aussi d’un système gangrené par la corruption, d’une absence de l’Etat aux îles Kerkennah, d’un manque de solidarité des Tunisiens (sauf sur facebook puisque c’est gratuit et non fatiguant).

Allah yarhamhom w ysabber ahlhom