Un trio féminin tunisien, issu de trois générations assez proches sont des femmes à la fois comédiennes, metteuses en scène pour le théâtre et réalisatrices pour le cinéma. Jalila Baccar, Lelia Toubel et Nidhal Guiga ont été, mardi, les invitées de la Foire Internationale du Livre de Tunis 2018 pour parler de leur visions et expérience avec l’écriture pour le théâtre. Pour elles, l’écriture comme forme d’une douleur intellectuelle ou d’une extrême exaltation où l’auteur voit toute son âme se déchaîner pour surgir sous forme de lettres, constitue une expérience unique, très individuelle mais parfois universelle et altruiste qui émane de soi pour se projeter vers l’autre.
En hommage posthume à Raja Ben Ammar, femme de théâtre disparue il y a près d’un an, des extraits de textes ont été lus par Jalila Baccar, au cours de cette rencontre animée par Sonia Chamekh, universitaire et réalisatrice pour le cinéma.
Entre le théâtre et la littérature, il a toujours été un lien qui se traduit dans des oeuvres littéraire adaptées au théâtre ou des œuvres pour le théâtre adoptées par la littérature sous formes de récits. Tel est le cas pour Jalila Baccar, femme de théâtre et dramaturge, dont la plupart des ses textes écrits pour le théâtre ont déjà été édités, qui a parlé de la nature de ses œuvres écrites essentiellement en dialectal tunisien et en arabe littéraire simplifié.
A la base comédienne, Jalila Baccar s’est orientée pour l’écriture comme elle s’exprime, “par nécessité” et cela n’a été qu’à une période assez tardive de son parcours professionnel. Même si elle écrit pour le théâtre, elle estime que sa vocation essentielle reste celle de comédienne et non d’écrivaine.
Cet avis est effectivement partagé par certains spécialistes partant de la spécificité de l’écriture pour chacune des deux branches même si elles convergent vers une seule issue, celle de la création. L’improvisation dans le théâtre demeure également l’un des faits ayant poussé la comédienne vers l’écriture pour le théâtre.
L’écriture est assez souvent jugée un acte individualiste émanant d’une certaine volonté à redessiner les formes de nos douleurs intimes traduisant cette quête humaine à s’exprimer. A ce sujet, Leila Toubel estime que l’écriture est plutôt un acte spontané avec cette inspiration qui puisse survenir à n’importe quel moment. Pour cette créatrice initiée à l’écriture théâtrale dans des pièces comme ” Solwène” et “Houria”, les textes sont écrits soit en Arabe dialectal soit en Français, pour les besoins de certaines oeuvres adaptées au théâtre dans des pays d’Europe.
Pour elle, écrire en général ou écrire pour le théâtre, il s’agit d’”un acte, d’une vibration et d’un accouchement en douceur où chaque parole est née d’un moment de déclic” qui exprime et traduit ce qu’il y a de plus profond en elle. Une toute autre approche, est celle que Nidhal Guiga qualifie de “rapport très affectif avec l’écriture”, un sentiment qu’elle traine avec elle depuis l’enfance, une enfance qu’elle voit, un peu de recul, marquée par “une extrême solitude”, – du fait de sa vie loin de ses parents- et cette timidité qu’elle a “toujours du mal à vaincre”.
Avec l’âge, elle a pris conscience d’un nouveau rapport qui commençait à s’installer avec l’écriture “transformé de l’affectif vers l’intellectuel “, pour le compte d’une “écriture assez cérébrale” pour qu’enfin elle arrive à “rallier l’intellectuel à l’affectif”.