“Enfant, une de mes plus grandes frustrations, était le fait de n’avoir pas accès au livre. J’étais dans une sorte de misère culturelle”, a dit l’écrivain algérien Kamel Daoud qui s’assimile au personnage de son dernier roman “ZABOR ou Les psaumes”, un livre édité en 2017 chez Cérès éditions.
Evoquant l’accès au livre et à la culture en général, Daoud parle de “misère culturelle, un mot qu’on évoque très peu dans notre monde dit arabe” mais qui est pourtant “la source de beaucoup de nos violences, de nos douleurs subies ou imposées… ” Une misère culturelle que l’écrivain refuse qu’elle soit “uniquement imputée aux régimes, car nous en sommes tous coupables”, estimant que le fait de prendre part à un salon du livre au Maghreb constitue “un acte militant pour la culture que de la simple mondanité d’un écrivain”.
L’écrivain était présent samedi à la Foire internationale du Livre de Tunis 2018 pour la présentation de “ZABOR ou Les psaumes”, ce nouvel opus de 336 pages. Parallèlement à sa sortie simultanée en Algérie et en Tunisie, cet ouvrage édité également chez l’éditeur français “Actes Sud”, est en vente dans les librairies et en ligne, depuis août dernier.
L’auteur a fait le choix de le publier au Maghreb, jusque là en Algérie et en Tunisie et prochainement au Maroc. La notion de partage figure au top de ses priorités car il ne voit pas d’intérêt à se faire publier ailleurs pour qu’ensuite l’ouvrage en question ne soit pas accessible pour les générations actuelles ou futures du pays de l’auteur.
Parlant de l’écriture, Daoud estime être revenu à quelque chose d’essentiel en essayant de répondre à cette épineuse question qui hante son esprit d’écrivain reconverti à l’écriture littéraire après une carrière de journaliste dans différents médias francophones algériens et étrangers, notamment français: Pourquoi j’écris?. Une question que Daoud dit lui “être souvent posée partout où il va, spécialement au Maghreb et au Liban où les lecteurs qui aiment ses écrits doutent de l’efficacité de l’écriture “à faire changer le monde ou à rendre meilleurs nos pays et nos cultures”.
Voulant retrouver en lui la raison d’écrire, l’auteur part de l’importance de “défendre et d’exprimer une foi et de cette idée qu’être écrivain est une profession de foi” de quelqu’un qui croit en l’importance de la culture, de l’industrie du livre et tout acte de la création ou de créativité.
Même si l’acte d’écrire n’est pas de tout repos où l’on se voit privé d’un certain confort,- sécurité stabilité et tranquillité-, Kamel Daoud cherche quelque part à travers “ZABOR, ou Les psaumes” à répondre à la question sur la nécessité d’écrire.
Même s’il réclame haut et fort sa grande part de maghrébinité en disant “je suis quelqu’un qui rêve d’un grand Maghreb”, Kamel Daoud reprend les idées qu’il évoque d’ailleurs à travers le personnage de “Zabor”. Il réclame aussi sa part d’universalité, une part que tout écrivain maghrébin essentiellement, devrait en réclamer à travers ses écrits sinon dit-il “on risque de tomber dans une littérature qui exprime uniquement notre maghrébinité mais qui ne sera jamais universelle”. Cette approche émane de la vision d’un auteur pour lequel le roman est loin d’être un passeport, car, à son avis, “toute littérature nationaliste et patriotique ne réussit jamais”.
Et parce qu’un roman parle à l’humain comme il parle de soi même, Daoud se réfère ici à l’exemple d’oeuvres universelles telles que “Les Frères Karamazov” de l’écrivain russe Fiodor Dostoïevski disant que ce roman ne raconte pas la Russie mais raconte un drame.
Pour Kamel Daoud, il n’y a pas mille chemins pour mettre un pied dans l’universel : “Je raconte à partir de mon pays. Je me raconte au reste du monde”. C’est sa façon à lui de réclamer la part d’universalité chez chaque auteur, dans des écrits où tout un chacun pourrait s’y assimiler.