Le rapport à la fois intrinsèque et indépendant entre la littérature et le cinéma, était au centre de la rencontre-débat réunissant, jeudi soir, l’écrivain tunisien Yamen Menai et l’écrivain, réalisateur et membre du Goncourt Philippe Claudel, à l’Institut français de Tunisie (IFT), et ceci, à l’occasion du ” Goncourt : choix de la Tunisie “.
Evoquant le rapport entre la littérature et le cinéma, Philippe Claudel a indiqué que le cinéma reste dépendant de la littérature au niveau du contenu et la forme”. “Ce rapport de sujétion est due à l’ancienneté de la pratique littéraire par rapport à la pratique cinématographique”, a justifié Claudel. “Le cinéma, comme art jeune, s’est tourné d’une manière naturelle vers la littérature pour s’imprégner des histoires et des formes narratives et les transposer sur grand écran”.
A ce sujet, l’écrivain Yamen Menai a relevé que la littérature a le pouvoir de permettre au lecteur d’être son propre cinéaste et son propre directeur de casting soulignant que dans la littérature, le lecteur constitue sa propre image de l’histoire à travers son imaginaire contrairement au cinéma où le spectateur se trouve en otage de l’imaginaire du réalisateur.
Les deux écrivains se joignent pour affirmer que la comparaison entre le cinéma et la littérature n’a pas de raison d’être car ils sont deux formes artistiques différentes qui empruntent l’une et l’autre des codes.
“Les deux arts sont produits par l’homme pour s’interroger sur sa propre existence, sa relation avec le monde et sa relation avec les autres”, ont-t-ils ajouté.
Selon Yamen Menai, le cinéma a ce pouvoir de se consommer d’une manière plus large que la littérature, précisant, par ailleurs, que le 7ème art peut être une fenêtre pour découvrir la littérature.
La réussite d’une adaptation au cinéma d’une œuvre littéraire réside pour Philippe Claudel dans la réinterprétation de l’œuvre par le cinéaste et sa transformation en une œuvre nouvelle tout en gardant la structure.
“Une adaptation réussie est un remodelage créatif de l’histoire car le cinéma n’est pas là seulement pour mettre des images au texte mais il doit user de ses propres moyens pour composer et interpréter une histoire”, a-t-il insisté.
Pour Yamen Manai, le réalisateur doit se distancer de l’œuvre afin de se l’approprier car l’adaptation d’un roman est comme une réinterprétation d’une chanson. “On peut écouter un classique et aussi savourer la reprise et la réappropriation de ce classique par un autre chanteur”.
La rencontre-débat a été suivie par la projection du second film de Philipe Claudel ” Tous les soleils ” sorti en 2011. Cette comédie traite des relations compliquées d’un père d’origine italienne professeur de musique baroque et italienne et de sa fille adolescente qui découvre l’amour et l’émancipation.
Né en 1980 à Tunis, Yamen Manai vit à Paris. Ingénieur, il travaille sur les nouvelles technologies de l’information. Son premier roman, “La Marche de l’incertitude” (Elyzad poche, 2010), a reçu en Tunisie le prix Comar d’Or, en France, le prix des Lycéens “Coup de Cœur” de Coup de Soleil. Son troisième roman ” l’amas ardent ” vient de remporter le prix des 5 continents 2017 de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF).
Né en France, Philippe Claudel est enseignant et écrivain (premier roman paru en 1999). il est aussi réalisateur de films comme “Il y a longtemps que je t’aime” (2008), “Tous les soleils” (2011) ou encore “Une enfance” (2015) -un film qui a reçu le Bayard d’Or du meilleur scénario au Festival de Namur. En 2003, il obtient le Goncourt de la Nouvelle pour Les petites mécaniques, recueil paru au Mercure de France, et le prix Renaudot pour “Les âmes grises” (Stock), qui a remporté, parmi d’autres prix, Le Grand prix des Lectrices de “Elle”. Depuis 2004, il est directeur d’éditions chez les éditions Stock.