Bien installé dans la bibliothèque de la maison de l’image à Mutuelleville qui regorge d’une collection de livres dédiés à la photographie, Wassim Ghozlani confie, “Je ne fais pas de la photo l’actualité mais plutôt un retour sur l’actualité avec un regard de photographe auteur”.
Ayant à ses débuts choisi de plonger au fin fond du pays pour réaliser ses photographies, il a réussi à couper avec le concept de cartes postales.
“Je me suis pas fait connaître par des photos sur la révolution et je n’ai jamais exposé sur la révolution”. Outre ses projets connus, le photographe possède une série de photos de visages effacés, en utilisant la technique du light painting, sur les lieux qui ont vu naître la révolution, de l’avenue Bourguiba, à la cité al-Amal à Kasserine, jusqu’à la Coupole et la Médina de Tunis.
La création chez le photographe-auteur
Les outils techniques de base ne sont pas aussi importants dans la prise de vue pour Ghozlani qui se limite “aux réglages liés à la lumière, au cadrage c’est ce qui fait le secret du métier” qu’il préfère garder pour lui. Au delà de la technique, à son avis, “ce qui compte aujourd’hui c’est le regard du photographe et le storytelling derrière la photo”.
Entre le travail de photographe reporter d’actualité et celui de photographe auteur comme lui, il parle de pratiques et d’approches totalement différentes. Un photographe d’auteur a besoin beaucoup plus de temps et de recherches surtout que ses photos sont toujours accompagnées de textes qui expliquent la démarche.
Cependant, il avoue que les deux genres exigent une certaine créativité sauf que l’un nécessite du temps et l’autre de l’instantané. “Je choisis le thème et l’axe sur lesquels je voudrais travailler”. Cette durée qu’exige l’artiste dans l’?accomplissement de son projet, il l’explique par le nombre important que peut atteindre une série de 60 photos pour un seul projet pour arriver enfin à avoir un résultat satisfaisant.
A l’image de l’écrivain ou tout autre métier de création, sa source d’inspiration, il dit l’avoir au fond de lui : “Moi même je suis une source d’inspiration”, dit-il avec confiance et fierté.
De la visibilité à la notoriété
Facebook a constitué la première plateforme pour la diffusion de ses photos, ce qui lui a permis une certaine visibilité auprès des galeristes tunisiens et étrangers. Revenant sur ses productions les plus marquantes dans son parcours de photographe-auteur, il parle de deux projets qui ont une portée humaine et marquent l’engagement d’un artiste portant un certains regard sur ce qui passe autour de lui.
Pour finaliser son projet réalisé en 2011 pour une campagne de sensibilisation d’Amnesty international sur les réfugiés de Ras Jedir, il a effectué plusieurs déplacements pour réaliser des portraits de réfugiés dans le camp.
Postcards From Tunisia, est un projet qui lui avait pris trois ans de préparation et des visites hebdomadaires dans différents sites, arpentant le pays du Nord au Sud. Sur les ruines des sites oubliés de la Tunisie profonde s’est aventuré le photographe depuis ses débuts dans l’art de la photographie.
Le parcours et la notoriété du photographe, sollicité par les milieux artistiques étrangers, se sont consolidés, ce qui l’a propulsé sur la scène des arts visuels, en exposant à l’Institut du monde arabe à Paris, à la Galerie White Box à New York et au Mucem à Marseille…
Parlant de sa profonde passion pour la photo, il a mentionné que tout a commencé avec “ce polaroid, cadeau de mon oncle vivant en Europe” alors qu’il n’avait que 12 ans et les premières photos prises des membres de sa famille.
Ayant fait également ses études supérieures en webdesign et marketing, il avait par la suite pris conscience qu’en plus d’être une passion, la photographie pourrait aussi être un métier.
La Maison de l’Image: un projet unique en Tunisie et dans toute l’Afrique du Nor
En parallèle avec sa carrière de photographe, l’artiste a eu l’idée de lancer en 2014 la maison de l’image, un centre culturel privé dédié à la photo et à l’image contemporaine (photo, vidéo illustration) qui, selon lui, représente “un projet unique en Tunisie et dans toute l’Afrique du Nord.”
L’idée lui est venue à l’issue d’une visite effectuée en 2012 à la Maison européenne de la photo (ME) à Paris et sa rencontre avec Jean-Luc Monterosso le directeur de ce qu’il qualifie comme “le haut lieu de la photo dans le monde”. De retour en Tunisie, il en a été inspiré pour s’investir dans une structure pareille autour de cette discipline qu’il voyait grandir dans son esprit.
La Maison de l’image est devenue une référence surtout dans le cadre de partenariats à la demande d’institutions étrangères qui désirent travailler sur l’Afrique du nord comme les agences de photojournalisme Magnum Photos, World press Photo et Noor”.
Elle offre une formation de qualité dans les métiers de l’image et des master class dispensés par des photographes confirmés à l’instar de Hamid Eddine Bou Ali, mais aussi de photographes de renommée comme Josef Koudelka et Patrick Zachmann (Magnum), Stanley Greene (Noor) et Yuri Kozyrev et Donald Weber (World press photo). Tous les photographes reporters qui sont actuellement en activité en Algérie, au Maroc, en Libye, en Egypte, au Mali, au Niger, en plus des photographes locaux bien connus ont pu profiter de ces Masterclass.
Convaincu que pour être un photographe, avec un esprit innovateur et créatif, Ghozlani dit toujours revenir sur ce qui a été fait et écrit sur les anciens photographes. “Pour le moment, j’ai tout fait sauf un livre”, mais l’idée germe dans sa tête pour publier “un livre, surtout que le contenu existe pour éditer même deux livres “.