La troisième soirée de la compétition officielle des Journées musicales de Carthage a pris mardi soir, les couleurs fortes d’un voyage musical pluriel offrant à un public cosmopolite présent de véritables moments de transe livrés successivement par deux groupes du Maroc et de la Tunisie.
Leur point commun: de fortes sensations et un métissage hors normes autour de deux projets artistiques, musicaux et scéniques acoustiques fortement aboutis. Deux découvertes artistiques différentes dont le crédo est le dialogue avec l’autre, ce langage universel servi par l’art.
Devant le public appelé au vote chaque jour de 21h jusqu’au lendemain 17 heures, c’est le groupe marocain “Aywa” qui investit, en premier, la scène au palais des congrès de Tunis. Avec de chef de file Adil Smaali au chant mais aussi au guembri et aux percussions, le groupe se lance dans l’aventure de “Houriya”, l’intitulé du spectacle. Unis par le rythme gnawa, les cinq membres du groupe, Damien Fadat (flûte traversière et chœur), Damien Hilaire (batterie), Théophile Vialy (guitare électrique, chant), et Guihem Chapeau Centurion (basse, tablas,) ont livré, en une heure de temps, des sonorités multiples fruits de leur rencontre il y’a sept ans.
Fusionnant les musiques du Maghreb et du monde (raï, gnawa, hindoustani, balkanique…) avec les musiques actuelles et amplifiées (rock, dub, reggae, jazz, salsa…), c’est un répertoire musical énergique et rebelle qu’ils ont voulu apporter: comme le répète Adil, c’est un message de paix, d’amour, de vivre-ensemble, de tolérance et de partage qu’on veut apporter” à travers une identité musicale singulière qui invite au voyage en Méditerranée, en Afrique et sur la route du peuple gitan de l’Inde à l’Andalousie. Entre performance théâtrale et concert, le groupe mêle musique et textes dont la puissance expressive balaye les réflexions sur la société, la liberté, les destins brisés, l’eau, le développement…autant de thèmes brulants qui demeurent aussi à l’épreuve.
Pour les mordus des sons plus actuels, c’est une partie loin d’être frisquet, qui s’invite en deuxième partie avec le groupe tunisien “Nawather”, un groupe de Métal oriental tunisien fondé en 2013. Hichem Ben Amara (basse), Abderraouf Jelassi (chant), Ryma Nakkach (chant), Saif Eddine Louhibi (batterie), Yazid Bouafif (guitare) et Chaima Kaddour au quanoun, s’inspirent non seulement des grandes figures de la musique occidentale, mais marient, dans l’harmonie et sans artifices lourds, le quanoun à la musique metal.
Sous les regards de connivence, et en symbiose subtile avec le chant guttural de Abderraouf Jelassi, la chanteuse Ryma Nackkah a, dans un vrai sens du jeu de scène, précipité aussi bien le groupe que le public dans une complicité sans égal, sur les hauteurs de voix et des prouesses de rythme avec un talent tout naturel.
Interprétant son tube, “les années perdues”, Nawather a proposé, une musique variant de l’authentique de l’oriental avec une musique provenant de l’Ouest : une alternance de musique orientale et de racines Metal mêlant Death ou DoomMetal. Dans le premier album du groupe, intitulé “Wasted Years”, se trouve un mélange entre des sons délectables mis sur des paroles recherchées et fidèles au thème de l’album, “des années gâchées”.
De l’avis de certains, les deux spectacles sont différents mais assurément prometteurs. Et la tâche du jury ne serait pas facile pour départager entre des créations qui cherchent durant trois autres soirées à capter les regards avec de fortes sensations…à l’épreuve de la quatrième édition des Journées musicales de Carthage (8-15 avril 2017).