Cela fait plus de 30 ans que les femmes tunisiennes majeures n’ont fort heureusement plus besoin d’une autorisation des parents ou celle du mari pour partir à l’étranger. La libre circulation des personnes concerne aussi bien les hommes que les femmes dans un pays réputé être pionner en matière d’émancipation féminine.
Les lois avancent, mais les mentalités stagnent et certains dans la police des frontières seraient nostalgiques d’une lointaine époque où les femmes «nakissaton aklon wa din» (immatures aussi bien intellectuellement que religieusement) avaient besoin d’une autorisation écrite pour se déplacer d’un pays à l’autre.
Que toutes celles qui sont âgées de moins de 35 ans -et ceci concerne aussi les mâles et qui ne partent pas vers des pays pour y nourrir les contingents de terroristes comme la Syrie ou l’Irak- sachent que personne n’a le droit d’exiger d’elles une autorisation parentale ou maritale. Elles sont en droit d’exiger de l’agent la circulaire ou la loi qui lui permet autant de liberté avec des citoyennes tunisiennes.
Le ministère de l’Intérieur ayant la responsabilité d’éclairer ses agents sur leurs prérogatives et les citoyens pouvant exiger réparation s’il y a abus de droit.
Deux incidents en deux «temps» entre Tunis et Casablanca
Premier incident: aéroport Tunis-Carthage
Contrôle des passeports, la policière découvrant la destination, me demande l’autorisation paternelle car célibataire de moins de 35 ans. Indignation et refus de ma part (je ne l’avais pas de toute façon), et lui demandant la raison, même si j’avais entendu parler d’un excès de zèle de certains agents relatifs à une circulaire ciblant les moins de 35 ans. Je lui explique que venant d’une femme, c’était encore plus choquant d’exiger ce type de document réducteur à une autre femme en lui précisant que la raison de ma visite au Maroc est professionnelle. Elle me demanda de lui fournir un ordre de mission, second refus de ma part même si j’avais ce document sur moi.
L’aller-retour a duré plusieurs minutes sans que je ne lui livre aucun autre document que le passeport et le billet d’avion. L’échange a été écourté par la découverte par la policière de mon passeport étranger (que je n’avais pas présenté mais avancé dans la discussion) et “vous auriez dû me le dire dès le début”… Bravo pour le respect de la souveraineté nationale!
Second incident : 25 septembre 2016, aéroport Tunis-Carthage
Contrôle des passeports, le policier me demande cette fois l’autorisation de l’époux (mariée entre-temps) car femme de moins de 35 ans voyageant seule à destination d’un pays arabe, m’explique-t-il. Refus et scandale à nouveau lui expliquant que les femmes ne sont ni sous la tutelle d’un père ni d’un mari et évoquant à nouveau un voyage professionnel.
Campant longuement sur mes positions, argumentant sur le respect du Code du Statut Personnel et la position de la femme en Tunisie, et lui, voyant la file d’attente commençant à s’impatienter, finit par céder avec “nfadlik maak madame (Je vous taquinais) j’ai vu que vous étiez cadre de banque mais il y a même des professeurs qui partent combattre” (!!!)
Madame la ministre de la Femme,
Monsieur le ministre de l’Intérieur,
La femme tunisienne de moins de 35 ans est-elle par défaut réduite à cela? La tutelle d’un homme est-elle indispensable à la libre circulation d’une femme?
La circulaire en question est-elle constitutionnelle et respecte-t-elle les textes nationaux et internationaux?
Si oui, pourquoi dans ce cas ne l’applique-t-on pas aux hommes et aux femmes de moins de 35 ans comme semble-t-il mentionné? Pourrions-nous avoir une version de ce texte, pourtant introuvable? Dans le cas contraire, son application n’a pas lieu d’être».
A.B.A