Le chef du gouvernement, Habib Essid, a préconisé, vendredi à Rome, la mise en place d’un programme euro-méditerranéen d’envergure semblable au Plan Marshall face à l’ampleur des défis sécuritaires et socio- économiques dans les pays de la rive sud de la Méditerranée.
S’exprimant au cours d’une conférence intitulée «MED-Rome Mediterranean Dialogues», consacrée aux grands défis en Méditerranée, Habib Essid a précisé que cette mesure se justifie, surtout que les écarts de développement ne cessent de s’accroître entre les deux rives de la Méditerranée.
L’Europe, a-t-il ajouté, doit «accompagner les pays arabes sur le chemin de la démocratie en proposant des initiatives fortes qui répondent aux besoins de ces pays et concrétisent la solidarité entre les deux rives de la Méditerranée».
A l’instar des pays voisins, a-t-il plaidé, la Tunisie demeure attachée aux objectifs initiaux de la Politique Européenne de voisinage, en espérant que la révision par l’Union Européenne de cette politique répondra aux attentes de ses voisins du Sud et de l’Est en vue de donner un cadre stratégique aux relations entre l’UE et son voisinage.
Car, a-t-il souligné, « Nous demeurons persuadés qu’une meilleure adaptation de la Politique Européenne en Méditerranée, associée à un diagnostic authentique de ses besoins réels, contribuera à dynamiser davantage les relations euro-méditerranéennes en replaçant la Méditerranée au centre de l’action extérieure de l’UE ».
La Tunisie, a-t-il ajouté, défend l’idée qu’il est temps que le voisinage méridional puisse avoir un cadre de coopération propre à lui et disposer d’instruments exclusifs. D’où l’intérêt de dissocier le voisinage Sud, du voisinage Est, dans la Politique Européenne de Voisinage renouvelée.
Selon le chef du gouvernement, cette dissociation entre les deux dimensions de la Politique de Voisinage devrait être appuyée par «plus de différentiation», ce qui veut dire: favoriser les pays voisins ayant opté pour un rapprochement le plus étroit possible avec l’UE et encourager plus substantiellement les pays qui partagent avec l’UE les valeurs de démocratie, des droits de l’homme, de l’Etat de droit et de l’économie de marché.
Par ailleurs, Habib Essid a évoqué les multiples menaces qui pèsent sur la stabilité de la Tunisie, en particulier l’extension des zones de conflit, le terrorisme et leur corollaire de trafic illicite de tout genre (trafic d’armes, de marchandises, d’êtres humains, de drogue, blanchiment d’argent etc…) Il a estimé qu’une gestion sécuritaire et parcellaire de ces défis n’est ni efficace, ni suffisante.
Pour lui, les actes terroristes et criminels perpétrés récemment en Tunisie, en France, en Egypte, au Liban, au Mali, aux Etats-Unis et ailleurs, « démontrent une nouvelle fois la nécessité d’une stratégie solidaire et concertée de la lutte contre le terrorisme, la gestion des frontières et la résolution pacifique des conflits. »
Citant les questions qui sont prioritaires pour la Tunisie, Habib Essid a évoqué la situation en Libye et ses répercussions sur la stabilité du pays.
« Nous ne dirons jamais assez, le danger que représente la présence de Daech en Libye où il contrôle plus de 200 km des côtes libyennes ».
Et d’expliquer « Les trois dernières attaques terroristes perpétrées par Daech en Tunisie ont été planifiées en Libye, qui constitue désormais, une base arrière du terrorisme international et de la migration clandestine. Il importe pour nous de maintenir la pression sur toutes les parties en Libye afin de faire aboutir les efforts de médiation en cours de l’ONU ».
Habib Essid a assuré, à cet égard, que le gouvernement tunisien est disposé à prendre part au processus post conflit en Libye, une fois un accord définitif est atteint entre toutes les parties.
Sur la situation au Proche-Orient, le chef du gouvernement a indiqué qu’elle constitue un facteur potentiel d’instabilité pour toute la Méditerranée et entrave depuis des décennies le rapprochement et l’intégration de ses deux rives.
La Tunisie considère que l’Europe a sa place dans cette région pour aider à la reprise des négociations palestino-israéliennes et œuvrer pour leur aboutissement, en vue de l’établissement d’un Etat palestinien dans les frontières de 1967 et jouissant de sa pleine souveraineté.
«MED-Rome Mediterranean Dialogues» se tient du 10 au 12 décembre à Rome avec la participation de dirigeants et de personnalités internationales représentant 40 pays dont le Roi de Jordanie, le ministre russe des Affaires étrangères, le chef de la diplomatie britannique, le Coordinateur de l’UE pour la lutte contre le terrorisme, le Commissaire européen aux migrations et le secrétaire général de la Ligue des Etats arabes. Cette rencontre vise la prospection d’idées et de solutions pour relever les défis qui se posent en Méditerranée.