Tunisie : Les partis au pouvoir s’apprêtent à tenir leurs congrès sur fond de mécontentement et de conflits internes

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Les partis de la coalition au pouvoir (Nidaa Tounes, Ennahdha, UPL et Afek Tounes) s’apprêtent, chacun de son côté, à organiser leurs congrès sur fond de critiques adressées au gouvernement mais, aussi, de conflits internes au sein de ces partis.

Selon plusieurs observateurs, ces congrès, prévus dans les mois à venir, auront sans doute un impact sur le paysage politique et pourraient donner lieu à de nouvelles alliances et à l’émergence de nouveaux enjeux.

Mais c’est surtout l’occasion pour ces partis, chacun de son côté, de mettre leurs différends sur la table et de sortir avec des décisions pratiques visant à resserrer les rangs et à améliorer leur image auprès de la base militante et de l’opinion publique. Pour les bases « mécontentes », c’est l’occasion de demander des comptes aux dirigeants sur le rendement du gouvernement en particulier.

Car, outre les questions organisationnelles internes, ces assises se focaliseront sur l’évaluation de l’expérience de la coalition gouvernementale ainsi que sur des questions politiques et socio-économiques qui préoccupent la classe politique et exaspèrent la rue tunisienne, à l’instar des préparatifs en prévision des élections municipales, le développement, la paix sociale et la lutte contre le terrorisme.

Ennahdha entre son rôle dans la coalition et le mécontentement de sa base militante

Le 10e congrès du mouvement Ennahdha est prévu au cours du premier trimestre de 2016, en présence de plus de mille participants. Le parti avait annoncé à la clôture des travaux du conseil de la Choura, que la date du congrès, prévu initialement en juillet dernier, sera fixée après la finalisation du contenu et le parachèvement des aspects logistiques.

Il viendra couronner les congrès du parti organisés au niveau local et régional.

Certains observateurs considèrent que la faible représentation d’Ennahdha dans le gouvernement en place, désapprouvée par sa base militante, expose moins le parti aux critiques concernant le rendement du gouvernement. A l’occasion de ce congrès, Ennahdha aura, par ailleurs, à clarifier sa position de la question de la séparation entre les discours religieux et politique.

Pour plusieurs analystes politiques, le congrès d’Ennahdha pourrait se dérouler rondement et sans surprises, en raison de la discipline de sa base, et ce, en dépit des conflits qui restent une affaire interne, notant que le président intervient à chaque fois pour y mettre fin. Ils n’écartent pas un éventuel départ du président du mouvement pour injecter du sang neuf au mouvement.

Nidaa Tounes : Le congrès de règlement des différends internes

Depuis les dernières élections de 2014, Nida Tounes a connu des soubresauts et une vague de démissions touchant l’équipe dirigeante et les coordinations régionales. Boujomaa Remili, directeur exécutif du parti, a annoncé que le 1er congrès de Nidaa Tounes aura lieu, à priori, le 22 décembre 2015.

L’occasion, selon Remili, d’évaluer le rendement du gouvernement mais aussi la ligne politique du parti, à la lumière des développements dans le pays. Le congrès se tiendra dans « une ambiance harmonieuse », ce qui n’empêche pas l’existence de certaines rivalités pourvu qu’elle ne perturbent pas le déroulement de ce congrès constitutif. Le directeur exécutif du mouvement a appelé au dialogue pour régler les différends et réussir le congrès.

Afek Tounes : Consacrer l’orientation sociale-libérale du parti

Afek Tounes, une des composantes de la coalition au pouvoir, avait annoncé, récemment au terme de la réunion de son conseil national, l’organisation du 2e congrès du parti au cours du premier semestre 2016. Un comité de 11 membres élus par le conseil national sera formé pour se consacrer à la préparation du congrès.

Dans une déclaration à l’Agence TAP, Faouzi Abderrahmen, secrétaire général d’Afek Tounes, a indiqué que l’évaluation de l’expérience du parti au sein de la coalition au pouvoir sera au cœur des travaux du congrès. Selon lui, la participation d’Afek Tounes à la coalition gouvernementale bien qu’elle soit « contre nature » avait pour objectif de « parvenir à une certaine cohésion » et de «mettre le pays sur la voie de la réforme », loin de toute notion de majorité ou de minorité au pouvoir.

Il a ajouté que les travaux du congrès porteront, également, sur l’évaluation de la ligne politique du parti et la consécration de l’orientation sociale-libérale. Il sera, aussi, question d’évaluer les points forts et les faiblesses du parti et d’examiner les questions économiques, à la lumière du plan d’orientation pour le développement élaboré par le gouvernement.

UPL : A la recherche d’une identité

Yosra Mili, directrice du bureau du président du parti de l’Union patriotique libre, a indiqué que le congrès de l’UPL aura lieu, au plus tard, avant la fin 2015. Le conseil national de l’UPL, prévu en octobre prochain, devra examiner les préparatifs du congrès, a-t- elle ajouté, révélant qu’une éventuelle introduction du mot « mouvement » à l’appellation du parti pourrait être décidée lors de la réunion du conseil national.

Cette nouvelle appellation refléterait, selon elle, l’orientation « libérale et pragmatique » du parti. Elle a, en outre, ajouté que Slim Riahi pourrait être réélu à la tête du parti au cours du congrès avec des changements au niveau du secrétariat général, poste occupé actuellement par Maher Ben Dhia, ministre de la Jeunesse et des sports.

Yosra Mili a, en outre, indiqué que le congrès examinera, la possibilité de former le bureau exécutif à partir de candidats choisis par le président du parti. Selon certains observateurs, l’UPL est, aujourd’hui, appelé à se détacher de l’image d’un parti dirigé par son président, à la manière dont est dirigée une « société privée ».

Ils considèrent que l’UPL se doit de développer ses méthodes de travail pour « davantage de transparence de ses sources de financement » et « plus de démocratie » dans la direction des affaires du parti.

Selon les déclarations de Youssef Jouini, député de l’UPL, le parti pense, actuellement, revoir la question de sa participation à la coalition au pouvoir.

« Nos partisans ne sont pas satisfaits de la représentation du parti dans l’équipe gouvernementale », a-t-il dit.

Des observateurs s’accordent à penser que les travaux et les résultats de ces congrès demeurent tributaires des concessions et des accords qui se tissent bien avant la tenue de ces assises.

Ils estiment que la plupart de ces partis souhaitent entamer les travaux de leur congrès avec le maximum de compromis afin de garantir le bon déroulement de ces rencontres et éviter les surprises de dernière minute qui pourraient influencer les travaux.