Emigrés, immigrants, migrants : Le discours souterrain d’un mot

refugies

L’avez-vous remarqué ? On ne parle plus d’émigrés ni d’immigrants mais de migrants.
Cette amputation des termes me semble lourde de sous-entendus inquiétants… Lorsqu’on évoque un émigré, on le caractérise par le lieu d’où il vient. Lorsqu’on désigne un immigré, on affirme qu’il est d’ici, même s’il vit le jour ailleurs. En revanche, de par son nom, le migrant vient de nulle part et ne va nulle part, sans origine et sans destination, dépourvu de terre, de racines et d’espace d’accueil, comme s’il était destiné à errer sans jamais trouver un port où s’arrêter. Nomade forcé et éternel.

Ce mot “migrant” est une condamnation.

Qui peut se permettre de décider des sorts ? Qui peut s’estimer légitimement propriétaire de la planète ? Lorsqu’on dit “migrant”, on dit “circulez, votre place n’est pas ni ici ni ailleurs!”

Ma seule façon d’accepter ce mot consiste à inventer un autre sens implicite : “nous sommes tous des migrants, fils et filles de migrants, voyageurs provisoires sur cette terre qui nous a précédé et qui nous survivra”.

Eric Emmanuel Schmitt