La Tunisie a besoin à l’heure actuelle de finaliser les réformes déjà engagées, notamment, sur les plans budgétaire, bancaire et monétaire et ce, dans le cadre d’une situation socio-économique stable, tel est le principal constat dégagé par les experts du monde des affaires et des finances réunis, jeudi après-midi, lors de la séance de clôture du forum économique de Tunis.
Pour M.Taoufik Rajhi, président du Cercle des économistes de Tunisie (CERT), la Tunisie a tout intérêt à se doter d’un programme de réformes d’intérêt général afin d’assurer une cohérence globale dans son processus de réformes, arguant «qu’un état qui n’est pas réformé ne peut pas faire de réformes».
D’après l’universitaire, la première réforme urgente à finaliser est de soutenir la dette publique et de maintenir le taux d’endettement à un niveau acceptable, relevant que ce taux a «explosé » en 2014 pour atteindre 45% du PIB.
«Si on continue sur ce rythme, la Tunisie risque de se retrouver dans la même situation que la Grèce et serait dans ces conditions, soumises à des réformes douloureuses qui lui seraient imposées de l’extérieur », a-t-il mis en garde.
Il a également suggéré de s’attaquer à la question de la compensation notamment des hydrocarbures, recommandant à cette fin, d’adopter la règle d’ajustement automatique du prix du gasoil et de procéder à un ciblage de la compensation.
Cette idée a été, également, partagée par Mme Giorgia Alebrtin, représentante résidente du Fonds monétaire international(FMI) qui a proposé de passer d’un système de compensation généralisé vers un système ciblé, tout en veillant à mettre en place des systèmes de protection sociale et d’améliorer la composition du budget de l’Etat principalement en matière de dépenses courantes (masses salariales, subventions…) .
Pour la représentante du FMI, le grand défi auquel la Tunisie est confrontée actuellement, est la réalisation d’un taux de croissance de plus en plus élevé.
Il convient à cette fin, d’accélérer l’application des législations bloquées ( loi sur le partenariat public/privé(PPP), la loi sur la faillite…) afin d’améliorer le climat des affaires et attirer par conséquent plus d’investisseurs. Elle a appelé en outre, à finaliser la réforme bancaire, notamment en matière de restructuration des banques.
Sur ce point, l’ensemble des panélistes étaient unanimes à souligner que la réforme bancaire ne doit pas s’arrêter seulement à la recapitalisation des banques publiques et leur simple audit, mais doit concerner tout le processus de restructuration financière.
Intervenant au sujet du financement des réformes, M.Jaloul Ayed ancien ministre des finances (gouvernement de Béji Caid Essebsi), a souligné que ce travail de restructuration doit couvrir la gouvernance des établissements de crédit, l’amélioration de la qualité des ressources humaines, le reingeneering des procédures et la garantie d’une meilleure gestion des risques, outre les TIC.
Pour ce qui est des sources de financement des réformes, l’expert a recommandé de commencer par les banques elles mêmes dans la mesure où elles disposent d’instruments financiers à même de compléter le financement de leur processus de réforme et partant d’alléger la pression sur le budget de l’Etat.
Ces mécanismes consistent en l’émission par les banques, de dettes subordonnées devant générer des fonds propres complémentaires faisant partie de l’assiette globale des fonds propres des banques.
Il a également suggéré de séparer les actifs sinistrés (improductifs) des banques et de les mettre dans une structure à part, faisant savoir que cette démarche, adoptée par plusieurs pays développés, tels que les Etats unis d’Amérique, a donné ses fruits.
Dans son intervention, M.Yassine Brahim, ministre du développement, de l’investissement et de la coopération internationale, a souligné que le processus de réforme à adopter ne doit pas se limiter aux seuls indicateurs économiques, mais doit tenir compte également des indices de développement social, humain et régional.
L’objectif recherché est de réduire les écarts entre les régions et réaliser une croissance inclusive. Les nouvelles réformes vont être axées, en plus, sur une ouverture de l’économie tunisienne, une plus forte incitation en faveur du développement dans les régions intérieures (création de banques régionales) et l’encouragement du capital investissement (private equity) à l’échelle régionale, a-t-il encore ajouté. Le forum économique de Tunis a été organisé par l’Institut arabe des chefs d’entreprises (IACE) sur le thème « la mise en place des réformes : Urgences et méthodes ».