“La croissance économique ne devrait pas dépasser 2,8% cette année, ce qui n’est pas de nature à réduire de manière significative le taux de chômage, notamment des jeunes diplômés et d’améliorer le niveau de vie des citoyens”, a prévenu le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie (BCT), Chedly Ayari.
Il a rappelé dans son mot d’introduction du rapport de la BCT pour 2013 que la persistance de l’instabilité sécuritaire et sociale, l’érosion de la marge budgétaire et la fragilité du système financier, en plus d’un environnement international et régional défavorable ont contrecarré la reprise modérée amorcée en 2012 et limité le taux de croissance de l’économie tunisienne à 2,3% en 2013.
Ce ralentissement de l’activité économique s’est confirmé, durant la première moitié de l’année 2014 dans les secteurs clés de l’économie, notamment, le secteur industriel avec une baisse de la production énergétique alors que les principaux secteurs orientés vers l’exportation ont perdu de leur dynamisme, a-t-il dit. “De même, le secteur des services a perdu de sa vitalité sous l’effet surtout du repli de l’activité touristique et du transport”, selon Ayari.
Cette situation économique est d’autant plus alarmante qu’elle s’est accompagnée d’une aggravation des déséquilibres financiers internes et externes avec en particulier un creusement sensible du déficit courant sous l’effet de l’accélération des importations de l’énergie et des biens alimentaires, a-t-il encore fait savoir.
“Des exportations en perte de vitesse, des flux d’IDE en net recul, un taux d’endettement tendanciellement élevé et une accélération de l’inflation ont ainsi fait peser encore plus de pressions sur les réserves en devises (dont le niveau actuel de 108 jours d’importations n’a été atteint que grâce aux efforts de mobilisation de crédits extérieurs) sur la liquidité de l’économie et la valeur de la monnaie nationale”, a indiqué Ayari.
Mesures pour contrer la situation
D’où l’impératif de mettre en place des mesures de redressement immédiates dont les résultats doivent être perceptibles à court terme, a préconisé le gouverneur de la BCT. Ces mesures seront axées, notamment, sur la consolidation du rythme de l’activité de production, à travers le regain de la stabilité et de la sécurité, l’arrêt de l’hémorragie du déficit commercial, la redynamisation du secteur touristique et la rationalisation des dépenses publiques.
Il y a, par ailleurs, lieu d’éviter des mesures fiscales d’austérité, de renforcer l’effort de recouvrement et de lutter contre l’évasion fiscale, a-t-il dit. En outre, des actions immédiates doivent être prises afin de contrecarrer les tensions inflationnistes, telles que la stabilisation de l’offre et de l’approvisionnement des marchés, la constitution de stocks régulateurs, l’intensification du contrôle économique et la lutte contre le commerce parallèle.
A cet effet, les mesures audacieuses préconisées dans le cadre du projet de la loi des finances complémentaire (LFC) 2014 doivent être appuyées par toutes les parties prenantes qui doivent prendre conscience du fait que si certaines de ces mesures sont douloureuses pour telle ou telle catégorie économique ou sociale, elles ne sont pas moins inévitables et leur report ne fera qu’alourdir davantage la facture future de la consolidation budgétaire, selon Ayari.
A cet égard, a ajouté le gouverneur de la BCT, même si les mesures précitées sont de nature à soutenir une certaine stabilité macroéconomique à court terme, le pays restera confronté à moyen terme à d’importants défis, notamment un faible niveau de croissance, un chômage élevé, de vastes disparités régionales, un système financier fragile ainsi qu’une marge budgétaire de plus en plus réduite. Des réformes structurelles doivent, par conséquent, être instaurées, dans le cadre d’une vision globale de l’économie nationale pour les prochaines décennies.
Ainsi, il y a lieu de restruturer l’économie au profit des secteurs prometteurs et à forte valeurs ajoutées, de promouvoir l’investissement privé domestique et étranger, “matrice de la création de richesses et des emplois futurs,”, d’entreprendre une réforme de la fiscalité et du système de subvention, a souligné Ayari. Il s’agit, en outre, de corriger les vulnérabilités financières et de la gouvernance du secteur bancaire et financier afin que celui-ci joue pleinement son rôle dans le financement de l’économie et d’assurer une ouverture de manière résolue et raisonnée sur l’extérieur.
La BCT à l’oeuvre
Dans le contexte difficile prévalant durant ces dernières années et conformément aux missions qui lui sont assignées, “en premier lieu celle de la stabilité des prix”, la BCT a doublé d’efforts pour contrer, en particulier, les pressions inflationnistes “dans un environnement particulièrement complexe marqué par la forte hausse de la masse salariale en l’absence de gains de productivité”, a affirmé le gouverneur de la BCT.
Parmi les autres entraves au développement de l’économie, Ayari a évoqué “la poursuite de la dépréciation du dinar sous l’effet de la dégradation continue des fondamentaux économiques, les perturbations des canaux de distribution et les ajustments des prix administrés pour faire face à l’accroissement sans précédent des charges de compensation obérant, par ailleurs, toute action action publique conséquente de développement”.
En outre, la BCT a uvré à «moderniser son cadre analytique et de prévision lui permettant de se doter des outils nécessaires pour améliorer le processus d’aide à la décision, tout en travaillant à améliorer sa stratégie de communication en vue d’un meilleur pilotage des anticipations des marchés et de consolider l’efficacité de la politique monétaire», a affirmé Ayari.
«Pour la période à venir, la BCT aurait à faire face à de nombreux défis en oeuvrant à assurer la stabilité des prix», a-t-il dit. Elle devra aussi s’atteler aux lourdes tâches visant la préservation de la stabilité financière et la contribution à la relance de la croissance économique.
Par une politique monétaire anticipative, elle veillerait à ancrer les anticipations inflationnistes afin d’agir sur l’inflation future, a encore soutenu le gouverneur de la BCT.
Il a ajouté, dans ce contexte, que “la maîtrise de l’inflation ne saurait être de l’apanage exclusif de la BCT et son accomplissement requiert, d’une part, la contribution volontariste de la politique budgétaire, et d’autre part, l’engagement des partenaires sociaux à uvrer de concert à la maîtrise de la spirale prix- salaires”.