Tunisie – Société : Quand Marzouki et son mufti usent et abusent!

Il n’y a de pire situation que celle où la personne se sent impuissante, particulièrement, devant l’incompétence, l’abus et l’impunité. C’est tout simplement cauchemardesque. Certes, ce sentiment, les Tunisiens le vivent, presque chaque jour, en cette périlleuse période de transition démocratique, mais ces derniers jours, ils ont eu droit à des manifestations outrancières de débordements de deux soi-disant responsables, en l’occurrence le président de la République provisoire et le mufti de la République.

Ainsi, au moment où le pays compte chaque sou et où «le gouvernement des solutions de facilité» s’apprête, par le biais d’une loi de finances complémentaire scélérate, à sabrer dans les salaires et pensions d’honnêtes retraités et travailleurs et à accabler le reste des contribuables par de nouvelles charges fiscales, le président provisoire s’amuse à dilapider l’argent public.

L’argent public jeté par la fenêtre

Le locataire “indigne“ du palais de Carthage, bien que sachant à l’avance que ses visites inopinées et promesses à l’endroit des régions n’ont aucune suite, s’est permis le luxe de faire le déplacement dans le gouvernorat de Gabès pour s’informer «en costume» des dégâts occasionnés par les dernières crues des oueds, particulièrement dans la zone de Soukra (délégation d’El Hamma).

Selon un ancien militaire, un tel déplacement aurait coûté, au minimum au vu de la distance parcourue (plus de 400 Km) et de la logistique requise pour garantir l’intendance des accompagnateurs et la sécurité de l’hélico, plus de 250.000 dinars –bien 250 mille dinars-, une enveloppe qui aurait pu contribuer, si jamais Marzouki voulait vraiment soulager les sinistrés, à cofinancer la reconstruction du pont érigé sur l’oued Rabaib mais emporté par les eaux comme si c’était un tronc d’arbre. Ce qui dit long sur la qualité de l’ouvrage et, partant, sur la corruption qui règne dans cette région en matière de passation de marchés.

Il semblerait que dans ces contrées, les ouvrages aient été conçus pour des zones éternellement exposées à la sécheresse. La donne «crues» n’est pas prise en considération lors de l’édification de tels ponts.

Idem pour sa visite à Gabès et les promesses faites quant à une éventuelle solution aux incidences catastrophiques générées par le rejet du phosphogypse, matière très polluante dans la mer, ce qui a valu à Gabès d’être classée comme la ville la plus polluée de la Méditerranée.

Marzouki sait que, même dans le cas du scénario catastrophique où il serait élu, il ne pourra jamais apporter des solutions à ce grave problème de pollution que connaît la ville.

Moralité: l’argent public est jeté par les fenêtres pour entretenir le mensonge et l’illusion d’une solution qui ne viendrait jamais avec un président sans lendemain. Son prédécesseur, même s’il s’est contenté de profiter des privilèges de l’institution (la présidence), a eu la décence de ne pas pointer le nez en dehors du palais et de gaspiller l’argent public en visites inutiles.

Tout indique que ce président provisoire est prêt à tout pour se succéder à lui-même.

Le mufti sur la voie de la sainteté

Le second responsable n’est autre que Hamdi Saïd, le mufti de la République qui, apparemment grisé par le pouvoir, s’est tout simplement autoproclamé “représentant du prophète Mohamed“. «Je ne suis pas le représentant du gouvernement, du Premier ministère ou d’un gouverneur (…) je suis le représentant du prophète SAW», a-t-il déclaré dans une interview accordée au journal Al Mousaouer, dans son édition du lundi 2 juin 2014.

Conséquence: Il n’est pas étonnant que cet ex-RCDiste de Ben Ali se déclare un jour saint et pourquoi pas prophète. Il semble que tout lui soit permis.

Le chargé de presse de ce mufti, Ghofrane Hssaini, a cherché à rectifier le tir mais c’était trop tard. Pour lui, «les propos du Mufti ont été sortis de leur contexte, ajoutant qu’il voulait dire qu’il est le «représentant du Prophète uniquement au titre de l’Imamat de la prière quand il lui a été demandé sous le règne de Ben Ali d’utiliser le sermon du vendredi à des fins politiques».

Invités sur les plateaux de radio et télévision pour expliquer ce débordement, ulémas et professeurs de théologie de l’école Zeitouna ont été unanimes pour avancer que ce genre de déclaration n’est toléré que «chez la secte Wahabite». Ainsi donc, le mufti de la République tunisienne serait un fervent Wahabite, alors que  la Tunisie est, depuis plus de 14 siècles, de rite malékite.

Face aux dérapages du président provisoire et de son mufti «Wahabite», une pensée nous vient à l’esprit, celle de l’écrivain français Chateaubriand quand il avait dit: «On s’étonne du succès de la médiocrité, on a tort. La médiocrité n’est pas forte par ce qu’elle est en elle-même, mais par les médiocrités qu’elle représente, et dans ce sens sa puissance est formidable. Plus l’homme en pouvoir est petit, plus il convient à toutes les petitesses. Chacun en se comparant à lui se dit : “pourquoi n’arriverai-je pas à mon tour?“ Il n’excite aucune jalousie: les courtisans le préfèrent, parce qu’ils peuvent le mépriser; les rois le gardent comme une manifestation de leur toute puissance. Non seulement la médiocrité a tous ses avantages pour rester en place, mais elle a encore un plus grand mérite: elle exclut du pouvoir la capacité. Le député des sots et des imbéciles au ministère caresse deux passions du cœur humain: l’ambition et l’envie».

Sans commentaire.

Abou SARRA