Tunisie : Le coût économique de la crise politique et du terrorisme

Une enquête menée auprès des chefs d’entreprises installées en Tunisie, démontrent clairement “une perception négative mais surtout un impact direct de la situation sécuritaire sur la productivité de l’entreprise”.

S’après ce document, si “les conditions actuelles persistaient, 88,9 % des chefs d’entreprises enquêtés estiment qu’à la fin de 2013, la situation économique de la Tunisie sera pire qu’aujourd’hui et on clôturerait l’année avec une croissance négative de l’ordre de 0,46 %. Seulement, 3,7% des enquêtés sont optimistes et estiment que la situation économique dans six mois sera meilleure qu’aujourd’hui”. L’enquête a été réalisée par le centre tunisien de veille et d’intelligence économique (CTVIE), relevant de l’institut arabe des chefs d’entreprises (IACE), au cours de la période allant du 31 juillet au 5 Aout 2013.

Il en ressort essentiellement, que “plongée dans une situation politique et économique difficile et floue, la Tunisie connait ces jours-ci, l’une des périodes les plus difficiles depuis janvier 2011, en raison de la crise politique et du terrorisme. Il est donc impératif pour la Tunisie en général et pour le secteur privé en particulier de s’intéresser aux retombées économiques de ces nouveaux facteurs”. En effet, “le récent classement du World Economic Forum (Forum économique de Davos) a mis en lumière cette question et son impact sur la compétitivité de l’entreprise tunisienne. Ainsi, au niveau du pilier institutionnel, la Tunisie apparait au 137ème rang mondial pour ce qui concerne le coût du terrorisme pour l’entreprise, au 117 ème rang pour ce qui concerne le coût des crimes et de la violence, et au 100 ème rang pour le coût du crime organisé”. La crise politique a plus de répercussions sur l’économie

Il se dégage de cette enquête deux conclusions: Primo, “par nature, la crise politique à plus d’impact sur l’activité économique que les actes terroristes, ce constat peut s’expliquer par le fait que les actes terroristes sont ponctuels et limités dans le temps alors que la crise politique ne l’est pas. Elle est plutôt latente et peut prendre différentes formes (grèves, sit-in, …), chose qui peut perturber le fonctionnement de l’activité économique”.

Secondo, “dans le temps, les répercussions futures -négatives- de ces événements seront davantage plus importantes que l’impact immédiat, ce constat s’explique aussi, par l’effet contagion ou l’effet tache d’huile de ces événements qui seront pris en considération dans les règles de décision de nos partenaires économiques, pour ajuster leurs comportements à moyen et long termes afin de prendre en considération les événements que connait la Tunisie”.
Quant à l’impact des derniers actes terroristes sur leurs activités, 52% des enquêtés jugent que l’impact a été très élevé ou peu élevé, alors que pour 48 % d’entre-eux, ces événements n’ont eu aucun impact. Ces actes terroristes auraient été directement à l’origine d’une baisse de 25,46% de l’activité du secteur privé, une baisse qui atteindrait vers la fin de l’année 41% de leurs activités.

Pour l’IACE, “On ressent bien ici un écart entre l’impact direct, sur lequel les chefs d’entreprises sont partagés, et l’appréciation qui est faite de l’avenir, où là une majorité claire se déclare pessimiste quant aux perspectives économiques”.

D’après la même enquête, sur la base des appréciations des chefs d’entreprises, la crise politique que traverse le pays a aussi directement contribué à une baisse de l’activité du secteur privé de plus de 30%, baisse qui atteindrait 45% au prochain semestre si la crise perdurait.

Environ trois quarts des interviewés ont jugé que l’impact de la crise politique sur leurs activités est très élevé et plus fort et direct que l’impact des actes terroristes.

L’enquête révèle “que les chefs d’entreprises font clairement la différence entre la situation sécuritaire et la situation politique, et identifient des impacts différents sur l’activité de leur entreprise. La crise politique a un effet direct et immédiat, tandis que la situation sécuritaire est perçue comme préoccupante et provoque un pessimisme général”.

Si les recherches sont rares sur l’impact à long terme du terrorisme, il ne faut pas sous- estimer les conséquences à court et moyen terme des attentats. Six mois après le début de la vague d’attentats, il apparaît clairement, selon cette enquête, que trois conséquences importantes seront durables: le climat général des affaires est affecté négativement, la tendance générale de l’entreprise est au pessimisme à court terme et l’entreprise est affectée directement et indirectement, et des surcoûts devront être assumés à ce titre”.

Pour les chefs d’entreprises, “des efforts conséquents doivent donc être entrepris pour enrayer ce phénomène. Il convient, cependant, de ne pas mettre trop unilatéralement l’accent sur les moyens de dissuasion militaires et policiers. Mieux vaut chercher également à éliminer les causes profondes du mal”.

D’un autre côté, il faut éviter, d’après eux, que “l’économie n’étouffe sous le poids d’une réglementation excessive prononcée au nom de la lutte antiterroriste. La réussite de ces mesures est tributaire de l’instauration d’une paix sociale et d’une volonté à mettre en œuvre le pacte social qui a été signé entre le gouvernement, l’UTICA et l’UGTT le 14 janvier 2013″.

Il s’agit, aussi, d'”assurer une stabilité politique permettant certainement de prendre les dispositions économiques nécessaires, justes et au bon moment et de mettre en place d’une feuille de route pour atteindre un niveau de stabilité politique suffisant pour mettre en œuvre un programme économique de relance”.