« Nul n’a intérêt à ce que le processus de justice transitionnelle soit retardé », a estimé le ministre des Droits de l’Homme et de la justice transitionnelle, Samir Dilou, pour qui « le vrai problème en la matière est que la situation présente se caractérise par une presse orientée et non professionnelle, une justice non indépendante et un appareil sécuritaire non républicain ».
S’exprimant lundi matin à Gammarth lors du colloque sur le thème « La réforme judiciaire et la justice transitionnelle en Tunisie et en Algérie: défis et opportunités », il a avancé qu’« il n’y a point aujourd’hui d’alternative au parallélisme des processus et en particulier à la concomitance du processus de justice transitionnelle et celui des réformes dans les divers secteurs ».
Réagissant aux interventions de participants à la rencontre, le ministre a imputé le retard pris par la discussion du projet de loi sur la justice traditionnelle par « la politisation outre mesure de ce dossier et l’établissement d’un lien entre lui et la loi d’immunisation de la révolution ». S’agissant de la loi sur le terrorisme, le ministre trouve que cette loi « quoique encore en vigueur, est anticonstitutionnelle et ne satisfait pas aux conditions de procès équitables ».
Il a expliqué que, pour autant, « son application diffère selon l’appréciation qui en est faite par les juges » et qu’une commission ad hoc au sein du ministère « s’emploie actuellement à le remodeler et présentera le résultat de son travail d’ici deux semaines ». De son côté, la présidente du Syndicat des magistrats tunisiens a fait remarquer que « la loi sur le terrorisme existe toujours et le juge est dans l’obligation de l’appliquer », estimant que « la réforme relève du ressort du législateur et non du juge ».
« Faire porter aux magistrats la responsabilité de la loi sur le terrorisme revient à décliner toute responsabilité », a-t-elle ajouté. Pour Steven Ibelli, directeur du MEPI (Middle East Partnership Initiative), cette rencontre offre aux politiques et décideurs l’opportunité de débattre des questions de réforme judiciaires et de son rapport à la justice transitionnelle pour échanger les expertises en présence d’un certain nombre d’experts en la matière, qu’il s’agisse d’universitaires, de juristes ou d’activistes de la société civile.
La conférence est aussi, selon lui, une opportunité de connaître les projets pressentis pour obtenir une subvention du MEPI qui, a-t-il dit, « encourage la réforme judiciaire, la promotion des réseaux nationaux et internationaux, l’implication des jeunes et des femmes dans l’action en faveur des droits de l’Homme, de même que la promotion des programmes de bonne gouvernance en Tunisie et en Algérie ».
Le MEPI, a rappelé son directeur Stephen Ibelli, a déjà déboursé 600 millions de dollars au profit d’un millier de projets depuis sa création, en 2002, sous formes de subventions d’un montant allant de 500 à 1000 dollars. Les travaux du colloque organisé par les anciens du MEPI devaient se poursuivre lundi et mardi. Il y sera surtout question des défis majeurs qu’aura à relever le processus de réforme de la justice en Tunisie et en Algérie, ainsi que des approches comparées en matière de justice transitionnelle.
La deuxième journée des travaux donnera lieu à des workshops thématiques, notamment sur le droit international des droits de l’Homme, outre des thèmes comme « Vérité et réconciliation: la réforme constitutionnelle et la rémunération » et « le droit de propriété et le droit commercial ».