Si l’image des femmes prenant part aux soulèvements arabes qui se sont produits l’an dernier a servi à plusieurs reprises à décrire ces mouvements de révolte, l’issue de ce qui a été surnommé ”le Printemps arabe” ne s’est pas révélé positif pour les femmes.
En Egypte, les femmes occupent 2% des sièges au Parlement contre 12% lors des élections précédentes et aucune ne participe au comité chargé de rédiger les amendements à la constitution. Au Yémen, un rapport rédigé par l’ONG internationale Oxfam déclare que les femmes sont moins bien loties après la révolution dans un pays où une crise humanitaire ne cesse de s’aggraver. En Tunisie, une femme qui a prétendu avoir été violée par des policiers s’est vue accusée d’atteinte à la pudeur après avoir porté plainte.
Néanmoins, les femmes ont refusé de renoncer au combat pour l’égalité des sexes. En octobre 2011, un groupe de quatre femmes arabes originaires du Liban, de Palestine et d’Egypte ont créé une page Facebook intitulée Soulèvement des femmes dans le monde arabe. Même si les Libanaises ne luttent pas nécessairement contre les mêmes lois que les Saoudiennes, elles trouvent leur force dans l’unité et s’en servent pour attirer l’attention en ligne.
Le groupe déclare dans l’énoncé de sa mission qu’ ”[il est] temps pour les femmes et les hommes de s’unir contre l’oppression des femmes dans le monde arabe.”
Un vrai mouvement populaire a débuté avec cette petite vague qui fait maintenant les titres des journaux dans le monde entier. Pour marquer le premier anniversaire de ce mouvement, la page des administrateurs invite les personnes du monde entier à poster des photos d’elles montrant des messages exprimant leur soutien aux droits des femmes arabes. Les gens en ont pris acte et, aujourd’hui, la page compte plus de 43’000 adeptes. Les photos (beaucoup ont été disséminées sur les réseaux sociaux) sont arrivées des quatre coins du monde, de femmes et d’hommes de toutes confessions et de toutes origines.
Ces photos montrent les nombreuses facettes du mouvement des droits des femmes et la manière dont elles s’occupent de problèmes spécifiques. Une femme explique: ”Je participe au soulèvement des femmes dans le monde arabe parce que je souhaite marcher seule dans la rue et ne pas penser à tout ce qui pourrait m’arriver de fâcheux.” Une autre déclare: ”Je participe au soulèvement des femmes dans le monde arabe parce que je veux être maître de mon destin” et ”je participe au soulèvement des femmes dans le monde arabe parce qu’elles méritent plus et qu’elles peuvent davantage.” D’autres déclarations disent : ”Non au viol. Non à la violence.”
Des hommes ont également envoyé des messages. Un adolescent saoudien a choisi de signaler l’absurdité d’une loi qui peut faire d’un jeune garçon le gardien des femmes adultes de sa famille: ”Au regard de la loi, je suis le gardien de ma mère veuve!” Un autre jeune homme affirme: ”Je participe au soulèvement des femmes dans le monde arabe parce que j’ai honte d’avoir plus de droits que ma soeur.” En soutenant la cause des femmes, les hommes n’affichent pas seulement leur solidarité avec celles-ci; ils montrent que c’est aussi leur combat.
Dans leurs actes, les militantes pour les droits des femmes représentent vraiment le porte-drapeau des soulèvements arabes qui réclamaient une vraie démocratie. Si les droits des femmes sont parfois considérés comme secondaires dans le processus démocratique, l’égalité des sexes est en réalité un aspect essentiel de la vraie démocratie.
Sous les dictatures, l’inégalité des sexes est trop souvent considérée comme un détail sans importance comparé à la situation dans son ensemble. Dans de nombreux mouvements révolutionnaires, les personnes marginalisées telles que les femmes et les minorités sont les premières à nourrir un espoir de changement puis elles finissent par connaître la même discrimination une fois les dictateurs renversés. On leur dit d’attendre, d’être patientes et que leur heure viendra.
C’est inacceptable. Les droits des femmes sont au coeur des droits de l’homme. Par conséquent, toute revendication en faveur de la démocratie ne peut tout simplement pas écarter la moitié de la population. Un changement pour un mieux doit être un changement pour tous sinon, à terme, il n’y aura de changement pour personne.
De ce point de vue, le Printemps arabe est en cours. Si certains disent qu’il a échoué, les initiatives telles que le Soulèvement des femmes dans le monde arabe réclament une place pour les gens ordinaires dans la participation au processus politique. En s’exprimant en tant que membres en marge de la société refusant de rester des citoyennes de seconde classe, il est clair que ces militantes pour les droits des femmes ne laisseront pas passer la dynamique du changement.
* Nada Akl est une journaliste indépendante installée à Beyrouth. Article écrit pour Service de Presse de Common Ground (CGNews).