Dans un entretien accordé au journal “La-Croix“, Yadh Ben Achour n’y est pas allé de main morte, il a estimé que le gouvernement Jebali “mérite un zéro de conduite” et que “le parti Ennahdha qui dirige la coalition au pouvoir est incompétent et entretient des relations dangereuses avec les salafistes”.
Et d’ajouter ” En 2005, Ennahdha s’était engagé sur la voie de l’islamisme démocratique dont nous rêvons tous, en formant une plate-forme commune avec les partis modernistes sur l’état de droit, l’égalité hommes-femmes, les libertés publiques, etc. Il y avait alors eu un mouvement de convergence entre l’islamisation de la gauche d’un côté et la démocratisation des partis islamistes de l’autre. Cela autorisait à croire en la capacité d’Ennahdha de promouvoir un islamisme moderne. J’ai ardemment défendu cette position. Malheureusement l’incompétence du premier parti au pouvoir dépasse l’entendement”.
Au sujet de l’accusation de double discours d’Ennahdha, Yadh Ben Achour répond: “Cela ne fait aucun doute ! Le parti est tiraillé entre ses différents courants réformistes, salafistes et centristes représentés au sein du gouvernement et de l’ANC. Rached Ghannouchi, le chef historique, fait la « synthèse » en chantre du double discours.
Devant un interlocuteur occidental, Ennahdha met en avant les valeurs de « démocratie » et d’« égalité ». Mais à usage interne, il ne parle que de religion et de « respect du sacré » à inscrire dans la Constitution. Un projet de loi qui vise à modifier le code pénal pour criminaliser les atteintes au sacré porte les germes d’un État théocratique”.
Sur les risques de la situation actuelle en Tunisie, Yadh Ben Achour a estimé que le pays vit des” turbulences susceptibles de mal tourner”. Les salafistes, petite minorité très agissante, gagnent du terrain avec la complicité d’une partie d’Ennahdha au moins. On ne peut écarter le risque que le pays sombre vers une violence généralisée”.
Mais Ben Achour s’est dit confiant quant au rôle joué par les partis d’opposition et la société civile, qui ont été les gardiens de la ligne rouge à ne pas franchir. Le gouvernement et l’ANC ont dû reculer à plusieurs reprises et renoncer à l’inscription de la chariaa dans la Constitution ou dernièrement à la notion de « complémentarité hommes-femmes ».
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