Le 4 juillet prochain débutera l’examen, par la cour d’appel de Tunis, du jugement en référé de l’affaire n°2011/99325 en date du 26 mai 2011. Le tribunal de première instance de Tunis avait alors ordonné le blocage de sites à caractère pornographiques par l’Agence Tunisienne d’Internet (ATI), suite à une plainte déposée par des avocats estimant qu’ils présentaient un danger pour les mineurs et ne convenaient pas aux valeurs musulmanes du pays. La demande de l’ATI de suspendre l’exécution du jugement du tribunal de première instance de Tunis a été rejetée par la justice, le 13 juin dernier.
L’ATI s’est engagée à exécuter la décision de justice tout en réitérant « sa détermination à agir, en tant que point d’échange Internet, d’une manière transparente et neutre vis-à-vis de tous les sites à filtrer par le biais de ses équipements ». Elle a communiqué sur les restrictions engagées et prévenu les utilisateurs que la réactivation du filtrage allait provoquer des dégradations de la qualité de service, notamment en raison des problèmes de maintenance du réseau. Une application progressive a donc été mise en place, depuis le 15 juin, concernant un certains nombre d’administrations, de ministères, de maisons des jeunes et de publinets, mais pas encore pour les particuliers. Le blocage serait appliqué via Smartfilter de l’entreprise McAfee. Les erreurs de filtrage peuvent être déclarées à l’adresse email filtrage@ati.tn, mais l’ATI déclare dans ses communiqués ne pas les assumer.
La liste des sites bloqués n’est pas encore connue. Le filtrage s’accompagne traditionnellement de surblocage de sites non concernés par ces mesures et par un ralentissement de la bande passante. Par ailleurs, son efficacité est mise en doute : de nombreux internautes tunisiens ont appris, ces dernières années, à utiliser des proxies et autres outils de contournement de la censure, pour avoir accès aux sites alors bloqués. Il a aussi un coût financier.
Tout comme de nombreux net-citoyens tunisiens, Reporters sans frontières s’inquiète du retour à des pratiques de l’ère Ben Ali et craint que le filtrage de ces sites, dont la définition demeure incertaine, ne soit le prélude à la censure d’autres types de contenus. Le filtrage généralisé s’inscrit en contradiction avec la neutralité du Net et les valeurs de liberté d’expression prônées par la Commission pour la réalisation des objectifs de la révolution et la transition démocratique.
L’organisation demande à la justice tunisienne de ne pas entérinner la décision prise en première instance. Elle demande aux autorités tunisiennes – et aux fournisseurs d’accès à Internet – de privilégier des solutions de contrôle parental, en généralisant l’accès et la sensibilisation des foyers tunisiens à des filtres adaptés pour les parents qui souhaitent légitimement protéger leurs enfants et leur bloquer l’accès à des sites pour adultes.
Source: RSF