Jusqu’au 10 juillet, seulement 150 mille nouveaux électeurs se sont fait inscrire sur le fichier électoral. Le chiffre annoncé est en deçà des attentes. L’opération d’inscription, qui se poursuivra jusqu’au 22 juillet, cible 4 millions de nouveaux électeurs.
Nombre de Tunisiens ont décidé de boycotter l’inscription au registre électoral. D’autres, bien qu’inscrits, promettent de ne pas voter aux prochaines élections
. « Je n’ai aucune intention de m’inscrire. L’idée ne m’effleure même pas », a lancé Makram sur un ton sarcastique. D’une ironie mordante, ce serveur de café de 31 ans renchérit: « Dois-je m’inscrire pour voter, mais pour qui ? Aurai-je à voter pour des partis qui manquent de visibilité et qui proposent des pseudo-programmes», s’est- il exclamé. Je ne donne pas mon suffrage à des partis dépourvus de tout sens de persuasion, a-t-il ajouté.
Nous nous retrouvons, aujourd’hui, au cur d’une crise de confiance vis-à-vis de ces partis, a-t-il constaté, ajoutant qu’« au lieu d’orienter leurs programmes vers le citoyen, ces prétendus candidats ne pensent qu’à leur petite personne ». « La hausse des prix, la baisse du pouvoir d’achat et la multiplication des taxes ont attisé le mécontentement des Tunisiens qui n’ont plus désormais confiance en l’avenir de la Tunisie », a-t-il fait remarquer.
« Le prochain gouvernement ne pourrait pas faire mieux que ses prédécesseurs et je crains fort qu’il emboîte le pas à Ben Ali ». Poussé par la vanité, Majid, 35 ans, gérant de café affirme avec assurance :
« je ne vais pas m’inscrire et ils ne doivent pas attendre (les partis politiques) que je leur donne un jour ma voix ». Chaîne d’or au coup et montre chromée au poignet gauche, Majid pointe un doigt accusateur vers les partis politiques qui, selon lui, « sont les principaux responsables de la dégradation de la situation socio- économique du pays».
Il a dénoncé, à cet égard, leurs surenchères, leurs tiraillements et leurs manuvres perfides qui, d’après ses dires, ont tendance à faire reculer le pays au lieu de le booster », a-t-il argumenté sa position. « Leurs programmes ne sont que mensonges et leurs « discours enflammés » ne risquent pas de nous séduire», a-t-il indiqué. Quoiqu’il soit inscrit, Abderrazak, 45 ans, commerçant, a dit avoir décidé de boycotter les prochaines élections.
« J’ai voté une fois et je ne le répéterai plus », a-t-il dit. « J’ai voté pour le parti au pouvoir et je suis extrêmement déçu par son rendement », a-t-il précisé, affirmant qu’il ne donne confiance désormais en aucun parti. « Aucun parti n’est recevable. Autrement dit, aucune formation ne peut faire mieux que son prédécesseur». Donc je ne vais pas voter », s’est-il décidé. Lui aussi inscrit, Amine, 26 ans, artisan orfèvre a indiqué qu’il ne songe pas voter lors des prochaines élections. Casquette sur la tête, tee-shirt noir, short en jean et tongs aux pieds, il a ajouté en substance :
« je n’ai aucune confiance en ces partis politiques qui poussaient comme des champignons. Leurs paroles sont flatteuses, leurs slogans sont creux et leurs promesses sont rarement tenues », a-t-il ajouté. « Nous sommes que des instruments entre leurs mains. Une fois arrivés au pouvoir, ils nous relèguent aux oubliettes », a-t-il regretté. Diplômé-chômeur depuis 2011, Sabeur a déclaré avoir voté une fois, mais en vain. « Ils nous avaient promis des postes d’emploi, sans tenir malheureusement leurs engagements », a-t-il dit.
Les postes d’emploi sont accordés, en priorité, aux blessés de la révolution et aux amnistiés, selon les dires des responsables en charge de l’emploi.
Mais nous (les diplômés), où en sommes-nous ?, a-t-il tempêté. Tous mes projets sont tombés à l’eau, à cause du chômage. A quoi ça sert de voter une nouvelle fois, a-t-il lancé. Mohamed Amin, 28 ans, a dit espérer voir tous les Tunisiens en âge de vote s’inscrire au registre électoral. « S’inscrire aura, certainement, des retombées directes ou indirectes sur le citoyen », a estimé ce formateur en techniques de recherche d’emploi et militant dans le tissu associatif.
Dans ce contexte, il a jugé indispensable de s’investir davantage dans la sensibilisation pour initier les Tunisiens à l’exercice démocratique, à travers notamment la consécration de la démocratie locale. Agé de 19 ans, Majid, bachelier a indiqué qu’il ne ratera sous aucun prétexte le rendez-vous électoral ».
Bien qu’il aille, bientôt, poursuivre ses études en France, il a promis qu’il sera présent, le 26 octobre et le 23 novembre pour accomplir son devoir électoral.
« C’est l’avenir du pays qui est en jeu », a-t-il affirmé haut et fort. « Même si j’aurai un empêchement de dernière minute, j’aurai l’option de voter dans le consulat », a-t-il ajouté. Pour Haj Darouiche, 67 ans, employé de banque à la retraite, « tout citoyen tunisien en âge de vote doit s’inscrire pour assurer la réussite des prochaines élections. « Cela ne peut servir que l’intérêt de la Tunisie et l’avenir de ses enfants », a-t-il estimé.
Abstraction faite de la dégradation de la situation socio-économique et de l’érosion du pouvoir d’achat, le vote est, avant tout, un devoir national. Quelles que soient les conditions, chaque Tunisien mature et conscient doit s’acquitter de son devoir électoral, a-t-il argué.
Toutefois, Haj Darouiche a constaté que la campagne de sensibilisation menée par l’Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE II) est limitée en comparaison avec la campagne menée lors des élections d’octobre 2011. « Elle risque de ne pas toucher un large pan de la population, d’autant que le nombre de nouveaux électeurs est très modeste par rapport au seuil requis », a-t-il averti.