BERD : Priorité à la restructuration du secteur financier tunisien

Le Président de la BERD (banque européenne pour la recontruction et le développement), Suma Chakrabarti, a déclaré dans un interview exclusive accordée à l’Agence TAP, que “les priorités de la banque en Tunisie, se portent sur la restructuration du secteur financier, en vue de soutenir l’accés au crédit des PME”.

M. Chakrabarti, qui effectue lundi 23 juin, une visite de travail en Tunisie, a précisé que la BERD entend, également, appuyer des projets d’infrastructure, en particulier dans les transports publics. Elle discute, actuellement, du financement d’un projet de dépollution de l’environnement du lac de Bizerte et cherche à financer directement, un certain nombre de PME.

Question: Comment évaluez-vous la situation économique actuelle en Tunisie ?

Réponse: Au terme d’une année 2013 difficile, les perspectives économiques sont désormais en train de s’améliorer. Cette situation est la conséquence de deux facteurs principaux. Premièrement, de nombreux progrès ont été accomplis au niveau politique et sécuritaire, ce qui a eu un effet positif sur l’économie.

Deuxièmement, les économies de la zone euro reprennent graduellement, le chemin de la croissance et ceci aura un impact positif sur le tourisme et sur la demande pour les biens produits en Tunisie.

Bien que la croissance demeure insuffisante pour résoudre à court terme le problème du chômage, nous nous attendons à ce que la reprise économique s’accélère cette année et en 2015.

Il est désormais important que le gouvernement parvienne à un consensus avec les partis politiques qui le soutiennent de façon à ce que les réformes structurelles progressent et que les tensions sécuritaires régionales et nationales soient contenues. Nous sommes confiants que ce processus peut réussir, maintenant que des avancées très importantes ont été réalisées sur la scène politique en 2014.

Q: Quelles sont les priorités de la BERD en Tunisie et comment pouvez-vous aider le pays dans sa transition économique ?

R: Nous serons un partenaire solide pour la Tunisie, tandis qu’elle poursuit son chemin vers une démocratie stable, soutenue par une économie dynamique, moderne et ouverte. Avec le gouvernement tunisien, nous avons identifié un certain nombre de secteurs prioritaires qui sont essentiels pour la poursuite du développement et la croissance économique du pays.

Nous apporterons notre expertise en matière de restructuration et de renforcement du secteur financier, secteur qui joue un rôle important dans le financement des entreprises privées. A la BERD, nous considérons que les petites et moyennes entreprises sont un excellent vivier générateur de croissance et de création d’emplois. En renforçant le secteur financier et en accordant des financements à long terme, nous soutiendrons leur accès au crédit et leur croissance.

Nous soutiendrons également, les autorités dans l’élaboration et la mise en œuvre des projets d’infrastructures, en particulier dans le domaine des transports publics, nous sommes prêts à appuyer les autorités dans la restructuration de certaines sociétés de transport, afin de garantir un service de transport public efficace et de meilleure qualité. Nous cibleront aussi, l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables, afin d’améliorer la sécurité, la durabilité et la compétitivité économique de l’énergie.

Q: Quel est le volume total de vos investissements en Tunisie et quels sont les projets réalisés?

R: Nous avons commencé nos activités en Tunisie par des projets d’assistance technique financés par des pays-donateurs, visant à apporter un savoir-faire à des petites et moyennes entreprises. Nous avons commencé à investir nos propres fonds en septembre 2012 et à ce jour, nous avons investi plus de 140 millions d’euros (environ 316,5 millions de dinars), dans une douzaine de projets.

Plus récemment, nous avons octroyé une facilité de financement de 20 millions de dollars US à Amen Bank qui contribuera à financer des activités de commerce extérieur en Tunisie, 15 millions d’euros à la Compagnie Internationale de Leasing (CIL) qui lui permettront de financer plus de crédits-bails aux MPME et 40 millions d’euros à la Banque Tuniso-Koweitienne (BTK), grâce auxquels elle pourra proposer davantage de prêts aux plus petites entreprises de Tunisie.

Nous avons également, accordé un prêt de 5 millions d’euros à Vermeg Solutions, leader tunisien de la conception de logiciels, dans le cadre de notre stratégie visant à soutenir la diversification économique et à renforcer l’économie du savoir.

En 2012, nous avons accordé un prêt de 15 millions d’euros à Borges Tunisie (société de conditionnement de l’huile d’olive), afin d’accroître l’approvisionnement en huile d’olive provenant des agriculteurs tunisiens. Nous sommes tout à fait disposés à soutenir, via ce type de projets, la communauté agricole locale.

Nous avons également soutenu les microentreprises par l’intermédiaire d’Enda Inter Arab, l’institution spécialisée dans le micro-financement.

Dans le cadre de nos activités, nous nous attachons aussi, à fournir des conseils professionnels aux petites entreprises locales par l’intermédiaire de notre équipe de soutien aux petites entreprises (SBS).

Q: Quel est le budget alloué à la Tunisie pour 2014-2015? Quels projets spécifiques sont-ils prévus pour cette période et dans quels secteurs ?

R: La BERD est une institution qui répond à la demande du marché. Nous n’allouons pas un budget à chaque pays, nous préférons cibler les bons projets qui peuvent contribuer à la croissance économique du pays et aider à créer de nouveaux emplois.

Nos équipes n’ont de cesse d’explorer de nouveaux projets à financer. En ce moment, elles discutent avec l’Office National de l’Assainissement (ONAS), du financement d’un projet de dépollution de l’environnement du lac de Bizerte. Nous envisageons un prêt de 20 millions d’euros qui permettra de moderniser et de développer les installations de traitement des eaux usées dans la région, afin de diminuer la contamination des ressources en eau du lac.

Nous cherchons également, à financer directement un certain nombre de petites et moyennes entreprises actives dans les secteurs manufacturiers et de l’agroalimentaire, qui soutiendront la création d’emplois.

Q: Comment la BERD interviendra-t-elle dans la modernisation du secteur bancaire tunisien ?

R: Nous explorons les différentes pistes pour soutenir la nécessaire restructuration du secteur bancaire. Nous travaillons avec le gouvernement et d’autres institutions financières de développement, afin d’évaluer les besoins spécifiques de certaines banques publiques, nous sommes prêts à les soutenir pour qu’elles deviennent plus commerciales et se dotent d’une meilleure gouvernance.

Nous souhaitons contribuer à l’introduction de nouveaux produits dans le secteur bancaire qui rendront le secteur financier plus efficace et plus à même de servir une économie plus forte. Nous travaillerons également, avec des banques et des sociétés de crédit-bail, afin d’accroitre les prêts aux entreprises -grâce à des lignes de crédit et de l’assistance technique- et de les aider à améliorer leur gouvernance et leurs normes opérationnelles. Le secteur financier est une priorité importante pour la BERD.

Q: Quels sont les objectifs de votre visite à Tunis, le 23 juin ?

R: Je suis très enthousiaste de me rendre en Tunisie et je suis heureux des avancées réalisées pour la stabilité démocratique et le renforcement de l’économie. Une économie plus stable améliorera la vie d’une nation qui oeœuvre au changement depuis plus de trois ans et demi.

Nous soutenons pleinement, la Tunisie et les efforts qu’elle déploie pour atteindre les objectifs qu’elle s’est fixés. Ce sont des objectifs ambitieux qui nécessitent et qui méritent le soutien de la communauté internationale, y compris des organisations telles que la BERD.

Il est important d’avoir des discussions avec les autorités tunisiennes au plus haut niveau, afin de s’assurer que nos objectifs concordent et que nous pouvons progresser ensemble.