Le président de l’Instance Nationale pour la Prévention de la Torture, Fethi Jarray, a souligné, vendredi, que les écueils rencontrés dans le processus de transition démocratique en Tunisie ont affecté, considérablement, le fonctionnement des instances publiques indépendantes. certaines de ces institutions ont disparu, alors que d’autres travaillent sous pressions, a-t-il ajouté.
Il s’exprimait lors d’une conférence scientifique internationale à Tunis sur les mécanismes de redevabilité organisée en collaboration avec l’organisation Euromed, l’Instance Nationale pour la Prévention de la Torture, la Haute Autorité Indépendante de la Communication audiovisuelle et l’Instance Nationale de Protection des Données Personnelles, en présence de plusieurs experts et professeurs de droit, ainsi que des représentants des instances publiques indépendantes.
Jarray a tenu à rappeler,dans ce sens, que ces instances, bien qu’elles soient indépendantes, ne sont pas exemptes de redevabilité envers les pouvoirs, législatif, judiciaire et celui de la société civile, qui surveillent leurs activités et leur fonctionnement.
Selim Belarbi, coordinateur du programme de redevabilité en Tunisie à Euromed, a, pour sa part estimé que “la réalité de la redevabilité en Tunisie a changé après le 25 juillet, avec la concentration de tous les pouvoirs entre les mains d’une seule entité, la pression exercée sur les juges et la dissolution de certaines constitutionnelles précédentes”. Selon lui, il est nécessaire de soutenir les mécanismes de redevabilité en Tunisie et de renforcer les instances publiques indépendantes pour qu’elles puissent remplir leurs fonctions conformément aux lois mises à jour.
Dans une analyse juridique des mécanismes de redevabilité en Tunisie, Mouna Kraiem, professeure de droit public à la Faculté des Sciences Politiques, Sociales et Juridiques de Tunis, a expliqué que “la redevabilité est prévue dans les textes qui sont toujours en vigueur.
La redevabilité signifie que tous ceux qui ont des responsabilités dans l’Etat doivent rendre compte de leur performance et être punis en cas de violation de la loi, a-t-elle précisé.
Elle a ajouté qu’il n’y a pas d’Etat de droit sans redevabilité, mais ce principe doit être appliquée à tous sans distinction. De plus, la redevabilité ne doit pas être motivée par des raisons purement politiques. Selon elle, la réalité diffère des textes, “La philosophie de la redevabilité a changé avec la Constitution de 2022 au niveau des pouvoirs politiques et judiciaires”, a-t-elle estimé.
Elle a précisé à cet égard que la dissolution du Parlement, par exemple, est devenue beaucoup plus facile qu’avec la Constitution de 2014, et que le Président de la République peut dissoudre le Parlement sans conditions.
De plus, la redevabilité du gouvernement est devenue plus difficile, car elle nécessite une majorité des deux tiers au Parlement bicaméral. Elle a également souligné que le Président de la République est le seul à pouvoir demander des comptes au gouvernement, qui est responsable devant lui, et qu’il nomme et révoque. Toutes les autorités sont responsables devant le Président, mais en retour, le Président de la République n’assume aucune responsabilité politique ou juridique selon la Constitution de 2022 tant qu’il exerce ses fonctions.
Adnan Lassoued, président de l’Instance d’Accès à l’Information, a déclaré que bien que certaines avancées aient été réalisées en matière de redevabilité en Tunisie, de nombreux défis attendent les instances. Il a souligné le besoin d’unn travail de sensibilisation pour changer les mentalités sur cette question cruciale