RSF tire un signal d’alarme sur la liberté de la presse en Tunisie

L’organisation Reporters Sans Frontières (RSF) tire un signal d’alarme sur la liberté de la presse en Tunisie, soulignant que les événements du 14 janvier dernier ne font que confirmer le danger qui menace le secteur.

C’était lors de la présentation de son rapport annuel intitulé “Journalisme en Tunisie: L’heure de vérité”.

Au cours d’une conférence de presse, mercredi, tenue avec le Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT) et l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), Souhaib Khayati, chef du bureau de Tunis de RSF, a déclaré que le rapport montre que la “trop lente transformation” du secteur médiatique tunisien depuis dix ans ainsi que “les récentes évolutions politiques menacent la liberté de la presse, pourtant le premier acquis de la révolution tunisienne il y a 11 ans”.

Dans ce document de 30 pages, RSF relève une “relation ambiguë” établie entre le président de la République et les médias depuis son arrivée au pouvoir. “Les violations commises contre la presse ont augmenté depuis que le chef de l’Etat détient toutes les prérogatives après le 25 juillet”.

Selon Khayati, le rapport indique, également, que les scènes de violence survenues lors des manifestations du 14 janvier 2022, qui n’avaient pas été observées dans la capitale depuis le départ du pouvoir du président Ben Ali en 2011, n’ont fait que confirmer les craintes quant au réel engagement du chef de l’Etat en faveur de la liberté de la presse.

“Le secrétaire général de RSF, Christophe Deloire, a fait part de son extrême inquiétude face à ce virage autoritaire qui impacte directement la presse tunisienne”, a-t-il précisé.

Khayati rapporte, aussi, que Christophe Deloire a appelé le président de la République Kaïs Saïed à s’engager effectivement à préserver et à respecter les garanties constitutionnelles et les engagements internationaux de la Tunisie en faveur de la liberté de la presse et de l’information.

Le rapport de RSF a, en outre, évoqué “les relations troubles” entre les médias, le monde politique et celui des affaires et qui “entravent la mise en œuvre de réformes nécessaires pour garantir et consolider l’indépendance du secteur de la presse”.

“L’incomplète transformation du secteur médiatique en Tunisie n’a toujours pas permis d’assurer un minimum de protection aux journalistes qui restent vulnérables aux pressions”, regrette l’organisation, ajoutant que “le besoin de réforme légale est un des points qui figurent dans l’appel lancé aux autorités et les recommandations faites aux journalistes en conclusion du rapport et dans le but de renforcer la liberté de la presse en Tunisie”.

Pour sa part, Amira Mohamed, vice-présidente du SNJT, a estimé que le secteur avait plusieurs difficultés, avant le 25 juillet, avec le pouvoir et des partis politiques qui ne croient pas à la liberté de la presse, tels que le mouvement Ennahdha, la Coalition Al-Karama et le Parti destourien libre (PDL).

“Aujourd’hui, une nouvelle milice s’ajoute à ces parties, qui se présente comme le soutien du chef de l’Etat et du processus du 25 juillet”. Le président de la République “n’a jamais exprimé sa position face à ces comportements”, a-t-elle regretté.

Pour Moufida Ben Touati, membre de la Fédération générale de l’information (relevant de l’UGTT), l’absence quasi totale de l’Etat, avant et après le 25 juillet, a été une des raisons de l’échec de la réforme du secteur médiatique.

Dans les recommandations mentionnées dans son rapport, RSF a appelé les autorités tunisiennes à préserver les libertés d’opinion, d’expression et de presse et à consacrer l’indépendance et la pluralité de la presse.