«La République est une dépouille; et sa force n’est plus que le pouvoir de quelques citoyens et la licence de tous». Cette citation de Montesquieu résume tout ce qui se passe dans notre malheureux pays.
C’est la licence de tous pour tous et par tous ! On se permet et on se partage les vices. Quoi de plus évident lorsque que ceux censés donner l’exemple sont aujourd’hui, dans leur grande majorité, les pires dirigeants que notre pays ait soufferts depuis qu’il existe. Des individus qui agissent comme des bandits de grands chemins, qui sont les premiers à transgresser lois, règles de politesse, bienséance, offrant une image de désolation où la vulgarité des actes se le dispute à celle des paroles.
L’ARP est le lieu où des énergumènes dépourvus de sens de l’appartenance et de patriotisme affichent clairement et ouvertement leur loyauté envers d’autres pays défendant leurs intérêts toutes griffes dehors. Un zèle que nous n’avons pas observé dans l’adoption des lois pour les intérêts nationaux.
Dans l’enceinte du temple de la législation -Assemblée des représentants du peuple-, on ose afficher les photos de dirigeants étrangers avec une fougue et un engagement étranges, défendant becs et ongles des terroristes et des Etats scélérats. «Un autre pas vers le mépris de la Tunisie à travers l’affichage de Morsi au sein du Parlement qui était tunisien», commente l’homme de culture Raja Farhat.
Le plus ridicule est que parmi leurs dirigeants, il y en a qui prétendent qu’ils servent la Tunisie en s’alliant à la Turquie et au Qatar, cause de grandes souffrances à un pays qui fut jadis un ami : la Syrie. L’ARP, haut lieu de la souveraineté nationale, est devenue une arène où les batailles se livrent non pour servir le peuple tunisien mais les relations avec d’autres Etats par une frange de députés dont le trait dominant est la traîtrise. A tel point qu’ils sont représentés aujourd’hui comme les élus de ces pays !
Ceci devant un président de l’ARP indifférent et presque complice de ces pratiques indignes qui renvoient aux électeurs leurs mauvais choix électoraux et nous rappellent que la démocratie est un long apprentissage adossée à une instruction, une éducation civique et politique solides et un grand sens de la responsabilité. Aujourd’hui, osons le dire : des ignares illuminés choisissent la pire espèce humaine pour les représenter !
Slim Laghmani, le grand constitutionnaliste, parlant de la scène politique a décrit ainsi les débats publics : «Démocratie ? Isegoria, rien de plus ! L’isegoria n’est pas la liberté d’expression, mais l’égalité des expressions». Et en matière d’expressions, l’égalité est édifiante au sein de l’Assemblée des représentants du peuple.
C’est à ne plus savoir si nous devons en rire ou pleurer !
Un conflit d’intérêt justifié et légitimé ?
Le député Yassine Ayari a fait éclater ces derniers jours une affaire de conflit d’intérêt impliquant le chef du gouvernement. Il en a parlé dans nombre de médias, relatant des faits remontant à 2014 lorsque l’actuel CDG a créé, sur la demande de partenaires français, une entreprise spécialisée dans l’environnement, laquelle aurait pour mission l’acquisition d’un marché public de 27 millions de dinars. Cette entreprise a évolué ensuite pour faire partie d’un consortium lequel, augmentation de capital aidant, a fait de Fakhfakh un actionnaire principal dans la société créée auparavant avec 66% des titres et actionnaire à hauteur de 22% dans le consortium. Ce qui est intriguant, d’après Yassine Ayari, c’est que le seul client de ce groupement de sociétés est l’Etat tunisien avec soupçons de «manipulation du cahier des charges». Ce qui est à prouver.
Pour le député, il s’agit de respecter la loi, à savoir les articles 18 et 20 qui stipulent ceci :
Article 18: Les personnes visées aux numéros 1, 2, 4, 6 et 8 du chapitre 5 de la présente loi (il s’agit des hauts fonctionnaires de l’Etat) détenteurs d’actions ou de parts dans des entreprises ou dirigeant des sociétés dont ils possèdent tout le capital ou une partie doivent enjoindre à autrui d’en disposer dans un délai maximum de deux mois à compter de la date de leur nomination ou leur élection, selon le cas, jusqu’à la fin de l’offre. Ceci est à vérifier, s’agissant d’Elyès Fakhfakh estime Yassine Ayari qui a cité l’exemple de Nizar Yaïche, ministre des Finances qui a vendu toutes ses actions dans une entreprise qui pourtant n’avait pas de marché avec l’Etat.
Il a aussi cité l’article 19 de la présente loi, qui interdit aux hauts responsables de l’Etat de procéder, dans l’exercice de leurs fonctions, à toutes transactions avec les institutions publiques.
Les dépassements que nous voyons aujourd’hui dans le gouvernement donnent l’impression que l’enthousiasme de Mohamed Abbou, parti depuis des années en guerre contre, a tiédi.
Ainsi après l’affaire du ministre du Transport, Anouar Maarouf, dont la fille aurait été à l’origine d’un grave accident de voiture en usant du véhicule de fonction de son père, nous n’avons pas entendu ses déclarations tonitruantes habituelles. Il a plutôt prôné le calme, promis des investigations approfondies et soumis l’affaire à la justice. Attendons voir !
L’affaire Fakhfakh conjuguée à d’autres a soulevé l’indignation de YA qui a déclaré : « Quand un agent de police conduit un taxi après ses heures de travail, il est considéré comme corrompu, par contre, lorsqu’il s’agit de ministres, le délit d’initié ou le conflit d’intérêt se transforment en «ijtihad» (diligence)». Et même s’il s’agit de faits avérés, la corruption devient in-intentionnelle !
Mohamed Abbou estime normal le fait de recruter des conseillers à tour de bras pour satisfaire à la voracité des partis en temps de grave crise des finances publiques. Pour lui, ce sont des pratiques courantes dans tous les pays du monde (sic), il assure que le gouvernement évite les nominations partisanes (resic) et cerise sur le gâteau, il certifie que le rôle des conseillers est technique. Nous sommes curieux de voir de près les CV de l’armada des conseillers sis à La Kasbah avec rang et avantages de secrétaires d’Etat ou ministres pour que l’on puisse évaluer leur degré de technicité et l’importance vitale qu’ils revêtent pour la Tunisie. Ceci surtout lorsque le budget de l’Etat est malmené et qu’on veut dépouiller les démunis d’une journée de travail ou réduire leurs salaires.
Il est quand même surprenant qu’un Mohamed Abbou, éloquent à souhait, démarre au quart de tour dès que les intérêts des plus proches ne sont pas menacés.
La lutte contre la corruption serait-elle sélective ? Selon qu’il s’agisse de règlements de comptes ou s’agissant de solidarité intergouvernementale et interpartis ?
Et l’exemplarité de la classe régnante dans tout cela ? Inexistante !
L’exercice de la fonction politique suppose une apparence d’exemplarité et ce du sommet de l’État jusqu’aux simples citoyens, elle est le socle de toute démocratie. Lorsqu’on a mené des batailles acharnées contre la corruption, des fois à tort, et n’épargnant personne, il faut commencer par balayer devant sa propre porte en évitant la logique des deux poids deux mesures.
Monsieur le CDG, monsieur le ministre de la Fonction publique et de la Lutte contre la corruption, vous êtes face à une exigence de plus en plus accrue de probité de la part des Tunisiens. Assumez vos responsabilités !
Amel Belhadj Ali